New Challenge: Potluck Bingo
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S’il y avait une chose qu’Erestor méprisait, c’était l’imbécillité. S’il reconnaissait les qualités de chacun, il lui était impossible de passer outre le côté imbécile de son entourage, ce qui le décourageait au plus au point.
Erestor était quelqu’un que l’on disait « comme il faut ». Il suivait un horaire méticuleusement planifié, avait un souci du détail incomparable, prônait l’efficacité, la rigueur, la justesse et la propreté. Rien n’échappait à son œil de faucon durement entraîné. Il retenait par cœur les vas-et-viens des gens vivant dans son domaine, ou plutôt, dans le domaine du seigneur Elrond. C’était presque impossible de lui cacher quoi que ce soit. Sa routine était dictée par un sens du devoir inébranlable.
On lui reprochait d’un surplus de rigidité et d’un manque de souplesse. Erestor ignorait ces réprimandes; cela ne faisait pas de lui un imbécile.
Le libraire appréciait le roi Thranduil. Certes, c’était un roi bourru et grognon, mais il fallait excuser les invasions d’orcs, wargs, araignées géantes et autres créatures du Mal. Le dernier souverain elfique de la Terre du Milieu régnait sur un territoire immense (une forêt qu’Erestor qualifiait de « trop grosse ». Il détestait voyager vers le palais royal, car le trajet était interminable. Lothlórien était plus respectable, selon lui. Un peu trop doré, mais respectable, tout de même) sans aucun anneau de pouvoir pour le protéger. Ce n’était point de sa faute si Sauron s’en donnait à cœur joie de pourir sa vie. Thranduil n’était pas un crétin, mais un malchanceux.
Legolas était un boulet fini, mais c’était un bambin. Son jeune âge l’abrutissait. Il n’y pouvait rien. Erestor n’était pas enthousiaste de le voir baver sur les bras de son père, mais il ne le lui reprochait pas non-plus. Il savait que lui aussi avait bavé sur bien des gens à l’aube de l’enfance.
Sauron était trop intelligent pour être un imbécile. C’était un opportuniste sans dessein. Toutefois, il engendrait le chaos là où il allait. Souvent, il n’avait même pas besoin de quitter le Mordor pour foutre le monde à l’envers. Il envoyait ses troupes faire le boulot sale à sa place. Sauron, c’était un connard. Erestor se passerait bien de son existence. Les autres aussi.
Erestor ne savait que faire du seigneur Celeborn. Il était dans un état perpétuel de somnolence. Erestor soupçonnait qu’il était vieux et fatigué du fardeau du temps. Sûrement fatigué des manigances de Sauron. S’il était sage, il ne s’en vantait pas (son épouse pourrait prendre des notes, jugeait le conseiller d’Elrond), et le cachait même très bien. La lenteur du seigneur Celeborn lui conférait la mauvaise manie de laisser ses manches tremper dans son assiette sans qu’il ne s’en rende compte. C’était un semi-imbécile.
La dame Galadriel n’impressionnait point le libraire. Elle s’exprimait en charades, oubliait de donner le contexte entourant ses propos sur une base régulière, et attendait de son public qu’il la suive. Erestor doutait secrètement qu’elle n’avait nulle idée de ce dont elle parlait. Heureusement pour elle qu’elle était élégante et que son domaine était prospère.
La maîtresse du Bois-Doré négligeait le port de sandales, chaussures ou bottes. Une couleur de charbon ornait la plante de ses pieds. Le libraire ne considérait pas qu’imiter Idril Celebrindal, connue pour ses pieds d’argent, était la meilleure idée du siècle. Un frisson d’horreur le saisissait à chaque fois qu’il y pensait. Il se retenait d’en faire part au seigneur Elrond qui prenait très mal la critique contre sa belle-mère et sa défunte grand-mère. En fait, le conseiller tenait à la vie et gardait ces remarques pour lui-même.
Erestor vouait pour la dame Celebrían une affection particulière. Elle était réservée, maladroite lors des soirées et réunions sociales, mais elle s’avouait soucieuse du bien-être de sa maisonnée. Elle était analytique, intelligente, ancrée dans la réalité et ne faisait pas de crise si elle devait porter des braies pour aller chasser avec Glorfindel et son équipe. En fait, elle ronchonnait plus souvent contre la mode qui stipulait qu’hommes et femmes devaient se parer de longues traînes par-dessus trois couches de jupons. Le problème était qu’elle disparaissait la plupart du temps dans les bois ou les fermes pour prêter mainforte aux travailleurs, négligeant ses devoirs de dame de Fontcombe pour s’éviter d’assister aux réunions sociales. Celebrían justifiait ses actes par le fait qu’Erestor était le meilleur porte-parole qui soit. Erestor en avait marre d’aller aux soirées à sa place. La dame Celebrían était une imbécile lorsqu’elle s’absentait.
Le capitaine Glorfindel était d’agréable compagnie. Il n’y avait pas d’Elfe de plus loyal que lui. Il était brave et vaillant. C’était le seul qui réussissait à sortir Erestor de sa coquille. Un exploit. Erestor tarissait d’éloges à son sujet. En secret, bien entendu. Erestor cachait dans une petite boîte au fond de son armoire un journal intime bourré de confessions de toutes sortes, incluant la beauté du guerrier.
Si par malheur Glorfindel se réveillait d’humeur exécrable, c’était le signal de s’enfuir. Son talent de répandre la joie et l’allégresse se traduisait par son habileté morbide de semer la zizanie s’il se levait du mauvais pied. Un vrai débile.
Lindir, quant à lui, n’était pas tapageur. C’était une âme tranquille qui appréciait le calme et la quiétude des bibliothèques. Erestor ne craignait jamais pour l’état des livres, parchemins, tablettes et autres documents en la compagnie du barde. Par contre, Lindir, c’était un grand perdu. Il était possible qu’il se questionne sur le sombre passé du thé au goût douteux dont Elladan s’était plaint l’autre fois. Lindir oubliait de diriger son esprit vers le monde réel. Il avait une imagination sans limites. Erestor devait se l’avouer, cette créativité se reflétait dans sa musique et donnait naissance à des chefs d’œuvre, mais il n’y avait aucun moyen de lui faire prendre conscience qu’un livre ne se sentait pas délaissé s’il restait seul sur un pupitre plutôt que d’être rangé avec les autres.
Arwen était comme Lindir, elle aussi. Réservée et douce, mais profonde au point de s’enfoncer si bas qu’elle en oubliait l’essentiel. Elle avait le talent inné de se compliquer la vie, un peu comme son père. Arwen se décrivait comme un vase : une composition délicate d’une beauté rare. Erestor trouvait que c’était une étrange comparaison. Les vases servaient à être remplis d’eau et de fleurs. Arwen ne se remplissait pas la gorge de liquide pour ensuite y mettre un bouquet, c’était ridicule. Si Arwen n’était pas assidue dans ses études, Erestor la qualifierait d’imbécile. La jeune dame aimait les livres, ce qui était des points gagnants pour le libraire.
Elladan avait une vivacité d’esprit étonnante. C’était l’aîné des enfants d’Elrond et Celebrían, ce qu’il ne manquait jamais de rappeler à Elrohir lorsque celui-ci contestait son autorité. Elladan, comme Glorfindel, était généralement de bonne humeur. Il lui arrivait toutefois d’être anxieux lorsqu’il n’arrivait pas à atteindre ce qui était attendu de lui (il se demandait beaucoup à lui-même). Il devenait alors le souverain du domaine, commandant tout un chacun, sans chance de réplique. Selon Erestor, c’était un imbécile efficient.
Elrohir était doté du sens de l’analyse de sa mère. Il repérait les failles dans les discours politiques et les formules mathématiques avec aise. C’était un Elfe d’action, libre comme le vent. Il lui arrivait de faire une expérience pour tester son résultat, quitte à se blesser. C’était un imbécile fou. Il était chanceux d’avoir un guérisseur comme père. Il était aussi chanceux d’avoir gardé ses deux bras et ses deux jambes.
Le seigneur Elrond était le plus bizarre de tous. Il avait une vision claire et précise sur ce qu’il voulait pour le prochain millénaire. C’était un dirigeant compétent, franc et direct. Il voyait plus loin que l’horizon. Erestor applaudissait son éthique de travail. Mais Elrond n’avait pas le moindre sens du détail. Il les jugeait sans importance. Il ne savait jamais ce qu’il voulait au court terme. Inutile de lui demander ce qu’il avait envie de manger, où aller en vacances, quoi porter, il n’en avait pas la moindre idée. Elrond se contentait de répondre « du moment que je ne suis pas nu » (la dame Celebrían était en faveur d’un Elrond dénudé pour des raisons évidentes qu’Erestor jugeait préférable de censurer). C’était un génie, mais un génie idiot.
Gil-galad était mort. Il n’y avait plus rien à dire à son sujet. Son cadavre n’avait pas fière allure.
Et Gildor, ah, lui… Erestor oubliait qu’il existait.