Maudits silmarils : maudit AU by Dilly

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Les Mains I


Les mains I

 

Dans l'entrée du grand magasin des Champs Elysées, des vendeurs habillés de noir les saluèrent, tout en leur tendant un panier, mais Eric de la Fontaine ne sembla pas les voir. Il poursuivit son trajet en ligne droite.

« Bonjour... », répondit Belin, presque sur le ton de l'excuse.

Puis il rattrapa Eric qui se trouvait déjà devant une étagère remplie de bouteilles de parfum Hermès.

« C'est fou, ils ont l'eau de toilette et l'eau déodorante, mais pas l'eau de parfum... », dit-il à Belin.

« Y'a une différence ? »

Le jeune homme de dix-huit ans ne se parfumait qu'avec de l'Eau Jeune achetée en supermarché, ou bien l'eau de cologne que lui offrait sa grand-tante à Noël.

« Hé bien ça n'a rien à voir. »

« Puis-je vous aider ? », demanda un vendeur.

« Oui, je cherche l'eau de parfum pour ce flacon. »

« Je vais regarder si il nous en reste. »

Le vendeur se baissa pour regarder dans le tiroir qui se trouvait au bas de l'étagère.

Pressentant une situation embarrassante et douloureuse, Belin se mit à regarder ses pieds, puis ses mains. Elles étaient desséchées et gercées par le froid. Une gondole pleine de laits de toilette de toutes les couleurs accrocha alors sa vue, et il décida d'abandonner lâchement le vendeur à son triste sort.

Une profusion de couleurs, de goûts et de parfums s'offrant à lui, il se retrouva interdit devant un tel choix.

« On s'croirait dans une confiserie », songea-t-il. « J'vais essayer celui à la fraise. »

Il se saisit de la bouteille sur laquelle avait été collée l'étiquette « échantillon », la décapsula et la renifla.

« Ça sent bien bon. »

Tout en couvant des yeux Eric, qui était manifestement en train de morigéner le vendeur, il s'enduisit le dos de la main du lait rose. Malheureusement, si le produit sentait bon (bon comme une fille ?), il sentit aussitôt des picotements sur les gerçures.

Il essaya alors celui à la vanille... pour le même résultat.

« Vous avez besoin d'aide ? », fit tout à coup une voix dans son dos.

Belin se retourna, pour se retrouver nez-à-nez avec une jeune femme habillée de noir dont les cheveux étaient attachés en un petit chignon sur le haut de sa tête. Ses cils étaient démesurément longs, sa bouche brillait comme si on l'avait vernie, et la peau de son visage était orange, avec une touche de rose sur les joues. Celles de Belin rougirent.

« J'cherche une crème pour les mains », expliqua le boulanger, timidement.

Voyant ses paluches abîmées, la vendeuse eut presque un haut-le-corps.

« Oh, mais il ne faut pas prendre ça... »

« Alors c'lui à la myrtille ? », s'enquit Belin.

« Non, il vous faut une crème spéciale. Suivez-moi. »

Elle se dirigea vers l'espace parapharmacie. Le jeune homme la suivit, docile.

« Voilà », dit-elle en prenant un tube de crème blanc et bleu.

Puis elle lui prit la main gauche, ce qui surprit Belin. Elle y déposa une noisette de crème, qu'elle se mit alors à masser, pour la faire pénétrer, de sa propre main fine et délicate, aux ongles roses taillés en amandes.

Belin se sentit drôle, et il rougit complètement.

« Alors ? »

« Ça n'me pique plus la peau cette fois. »

« Elle est bien nourrissante, et elle est préventive. Il y aussi un indice de protection solaire »

Mais s'apercevant de la rougeur du client, elle sembla soudain mal à l'aise. Elle alla lui chercher un panier. Percevant son embarras, Belin bredouilla un « merci » et déposa son tube de crème dans le panier. Puis il se mit en route vers les caisses.

« Ah, t'es là ! », fit une voix soulagée.

C'était Eric, mais lui avait les mains vides.

« Tu as trouvé ton Eau ? », s'enquit Belin.

« Non, je vais devoir la commander sur internet. Hum… Ne me dis pas que tu étais encore en train de draguer les vendeuses. »

« Non », dit Belin. « J'avais besoin d'une crème pour les mains. » Mais donnant cette réponse, il ne put s'empêcher d'en regarder une qui s'était baissée pour ranger un étalage.

« Mais c'est pas possible d'être aussi mort de faim ! », s'irrita Eric.

« On vient de manger », répondit Belin.

« Je ne parlais pas de ça. »

Quand ils furent sortis, Belin sortit sa crème de son petit sac et s'en enduisit copieusement les mains.

« Tu en aurais moins besoin si tu avais des gants. »

« Il faut que j'en achète », confirma le jeune homme blond.

Ils descendirent l'avenue, puis passant devant un passage couvert, il décidèrent de le visiter.

« Tiens, regarde ! », fit Eric.

Il montrait du doigt une boutique à la devanture surannée. Au-dessus de la vitrine, on pouvait lire ce titre vieilli : Marchand de gants.

« Ce ne doit pas être un peu cher ? », s'inquiéta Belin.

« Peut-être plus qu'ailleurs, mais au moins ce sera de la qualité. »

Belin acquiesçant, ils entrèrent dans l'échoppe.


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