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Chapitre 17 : Maedhros le Magnifique
Le séminaire
Maedhros avait reçu le nouveau catalogue des Nains de Belegost, et s'était retiré dans son étude pour examiner le rouleau.
« Les plans des balistes ? » s'enquit Maglor, entrant dans le bureau.
« Non, ce sont les dernières créations des Naugrim d'Ered Luin... Que dis-tu de cette pique à cheveux en forme de fleur ? Elle est magnifique, n'est-ce pas ? Je suis sûr qu'elle plairait à Findekáno ! »
Maglor poussa un soupir.
« Je croyais que tes finances n'étaient pas au mieux... Est-ce que les balistes ne sont pas plus urgentes ? »
« Oui, tu as raison... » acquiesça son frère aîné, repliant à regret le catalogue.
« À ce propos, Curufin m'a parlé d'un séminaire sur la poliorcétique qui aura bientôt lieu en Himlad. Ce serait une bonne occasion de nous mettre à jour... Qu'en penses-tu ? »
« Ça peut être une bonne idée. »
* * *
Quand la date du séminaire approcha, Maglor proposa à son frère de prendre en charge la gestion de la forteresse, comme il l'avait déjà fait lors de son voyage à Eithel Sirion. Son aîné lui ferait un compte-rendu à son retour des dernières avancées en matière de technique défensive.
La conférence se tenait dans une petite bourgade, qui était la capitale du royaume d'Himlad. Les maison y étaient surélevées, avec des toits très pointus – une caractéristique architecturale due aux hivers neigeux qui enterraient rapidement les habitations sous les congères. La « patte » de Curufin se reconnaissait ici et là, dans les ferronneries des portes, les girouettes ouvragées au sommet des édifices, et surtout les portails de l'école de métallurgie qu'il dirigeait.
Maedhros passa la soirée avec ses frères, et fut heureux de revoir son neveu Celebrimbor. Curufin et Celegorm avaient cependant l'air embarrassés. L'aîné se demanda s'ils n'avaient pas une mauvaise nouvelle à lui transmettre, mais retardaient l'échéance.
Le séminaire avait lieu trois jours plus tard, dans une des salles de l'école de métallurgie. Quand Maedhros y fit son entrée, il constata que presque tous les sièges qui entouraient la grande table carrée étaient déjà occupés. Il y avait un des Naugrim, jeune selon toute vraisemblance ; une femme-elfe également, toute de vert vêtue, et enfin un Sinda richement costumé, aux cheveux artistement tressés. Devant la table, on avait placé un grand chevalet sur lequel était fixé un assemblage de grandes feuilles étonnamment blanches pour du parchemin. Mais nulle trace de plan ou de maquette d'engins de siège, pour le moment.
Le seigneur d'Himring salua les présents, en déclinant son identité, puis il prit place sur le dernier siège, adressant à ceux qui l'entouraient des regards invitant à la discussion.
« Daeron », dit alors laconiquement le Sinda, d'une voix froide.
« Bili, de Nogrod », déclara à son tour le Nain, assis à droite de ce dernier. « Je suis à votre service, et celui de votre famille ! C'est un honneur de vous rencontrer, Seigneur Maedhros, j'ai beaucoup entendu parler de vous. »
Puis il se tourna vers Daeron, plus raide que jamais.
« Je suis également un grand admirateur de votre œuvre ! » affirma le Nogoth.
Le barde sembla se décrisper.
« Ah ? Mon dernier lai ? »
« Non, les runes ! » précisa Bili. « Une écriture droite et bien nette, si naine dans sa forme, qu'on pourrait la croire produite par Durin lui-même ! »
Le visage de l'elfe se tordit, comme s'il venait de toucher par surprise quelque chose de repoussant du bout des doigts.
Maedhros comprit qu'il fallait réorienter la discussion.
« Et vous ? » dit-il, en s'adressant à la seule femme de l'assemblée.
« Lana, je viens d'Ossiriand », expliqua-t-elle. « Je connais bien vos frères, Amrod et Amras, à la couleur de cheveux semblables aux vôtres... Eux me qualifient de "chef de clan", bien qu'il n'y ait pas de chose semblable chez les Laiquendi. Nous pratiquons l'autogestion, et j'ai été élue lors d'une assemblé générale. »
« Alors vous êtes venue pour des tours mobiles, peut-être ? » s'interrogea Maedhros. « Mais vous, Daeron ? Je ne savais pas que vous vous occupiez des systèmes de défense... Ou alors, à travers votre chant... »
Le ménestrel eut l'air interloqué.
« De quoi parlez-vous ? »
« Hé bien, la polior-... » commença Maedhros.
Mais il n'eut pas le temps de terminer sa phrase, car ce fut à ce moment précis que le formateur fit son entrée. C'était un elfe de taille moyenne aux cheveux cendrés et aux yeux marron.
« Bonjour à tous », dit-il, avec un large sourire.
« Bonjour », répondirent les participants en cœur – sauf Maedhros, qui ne s'y attendait pas.
Le conférencier se positionna devant le tableau à feuilles mobiles.
« Je veux d'abord que vous sachiez que tout ce que vous direz ici restera strictement secret, et que le but de cette réunion est d'apprendre, et cela dans la plus grande bienveillance. »
Le fils de Fëanor fronça les sourcils. La dernière fois qu'il avait entendu le mot « bienveillance », c'était à Angband.
« Cependant, ce n'est pas moi qui vais vous enseigner », poursuivit le formateur d'une voix mielleuse, « mais vous qui allez apprendre de vous-mêmes... Et même moi qui vais apprendre de vous ! »
Le ton triomphant de l'elfe ne parut pas atteindre Bili, qui sembla soudain déçu.
« Nous en arrivons donc au sujet de notre séminaire », annonça le conférencier.
Il tourna la première page, blanche, de son tableau mobile, sur lequel avait été écrit un titre, qu'il lut à voix haute.
« La dépendance affective, comment s'en sortir ? »
Si le cri de rage que poussa Maedhros s'était exprimé ailleurs qu'à l'intérieur de son esprit, Maglor l'aurait probablement entendu depuis Himring.
* * *
« Commençons par Daeron », dit le conférencier.
« Bonjour Daeron », dirent le Nain et l'elfe sylvaine.
« Racontez-nous votre histoire. »
Daeron se leva.
« Hé bien, il y une femme… Que j'aime beaucoup depuis longtemps. Sa beauté n'a pas d'égale sur cette terre. »
« Je pense que chaque personne autour de cette table vous dira la même chose », opina le formateur.
« Mais c'est la réalité ! Elle est presque divine. »
« Une métaphore créée par la passion amoureuse. »
« Non, techniquement, sa mère est une déesse. »
Le formateur se gratta le front.
« Quoiqu'il en soit », reprit le célèbre barde. « Je pense que mes sentiments ne sont pas partagés. Et son père, son père est vraiment acariâtre. »
Maedhros ne put s'empêcher de sourire. Daeron se rassit.
« Bili ? » dit alors le conférencier.
Le Nain se leva à son tour.
« Il y a une personne pour laquelle j'éprouve de tendres sentiments... »
Les autres participants hochèrent la tête.
« Une femme, à Nogrod… Jamais je n'ai vu une si grande habileté à manier le marteau… Elle a de magnifiques yeux bruns… Une barbe brillante, qui semble douce et soyeuse. »
Les elfes de la tablée n'hochèrent pas la tête.
« Mais elle en aime un autre ! » poursuivit le Nain. « Je suis désespéré. »
Des regards empathiques accueillirent cette dernière déclaration.
« A votre tour, Lana », dit ensuite le formateur.
L'elfe Nando se dressa fièrement, et parla.
« J'aime un autre elfe de ma tribu. Je suis cuisinière, et lui est chasseur. Quand je l'ai vu pour la première fois, je suis restée immobile sans pouvoir bouger jusqu'à ce que la nuit tombe. Hélas ! Il est déjà fiancé à une autre femme. Je ne dors plus, je ne mange plus depuis des semaines... »
« Mais vous buvez, tout de même ? » s'enquit le Nain.
« Bien sûr que oui », répondit Daeron, « sinon elle serait déjà décédée. »
« Merci Lana, pour votre témoignage, que nous approfondirons plus tard, comme les autres. Maedhros ? »
Le fils de Fëanor se leva. Etant donné qu'il n'était pas volontaire pour participer à cette petite réunion, il avait l'air particulièrement agacé.
« J'aime un… euh une femme. Elle est très proche de moi… Mais nos deux familles ont eu des… différends. C'est quelqu'un d'extraordinaire. Il-euh-elle hum, m'a sauvé la vie une fois, et c'est alors que je me suis rendu compte... »
Le formateur lui glissa à l'oreille.
« Vous pouvez dire que c'est un homme. Tout le monde sait que vous... »
« Bon d'accord c'est un HOMME », lâcha Maedhros.
Lana et Bili ouvrirent de grands yeux, mais Daeron n'eut pas l'air surpris.
« Les tendances de Maedhros... » murmura à nouveau le formateur à son oreille.
L'elfe roux s'écarta de lui brusquement.
« N'oubliez pas, nous ne sommes pas là pour juger », rappela doctement le conférencier.
Les autres hochèrent la tête.
« Oui, c'est vrai ! » s'exclama Maedhros. « J'aime les hommes, c'est un fait. Je suis un homosexuel invétéré, un inverti, un amateur de Nér et non de Nís ! J'aime les muscles, les gros sourcils, les longs cheveux bien virils. »
Le formateur lui posa une main sur l'épaule.
« C'est bien que vous l'ayez dit. Ici nous sommes là pour vous aider. »
* * *
Une fois ces présentations faites, le formateur avait débuté un petit discours introductif, qu'il accompagnait de schéma sur son chevalet à feuilles de parchemin..
« Le plus souvent, nous observons que le passionnant s'adresse à quelqu'un lui rappelant un membre de sa famille, avec qui il entretient un problème non résolu. En général, la mère pour les hommes. Ou le père pour les femmes. Et les homos-... »
« C'est complètement ridicule ! » grogna Maedhros.
« Laissez-moi deviner », dit le formateur, les yeux malicieux. « L'objet de votre affection a des cheveux noirs et des yeux clairs, et son nom commence par un F ! »
« Comment le savez-vous ? » s'exclama le seigneur d'Himring.
« Hé bien... » Le formateur s'approcha à nouveau de lui pour lui murmurer à l'oreille, avec un sourire torve : « Comme votre père. »
« ARGH ! »
* * *
Dix minutes plus tard, ils réalisaient tous, par groupes de deux, une affiche sur le thème : « Le passionnant et ses passions ». Maedhros s'était mis en groupe avec Bili, qui avait l'air fâché de ne pas faire de choses plus constructives.
« J'ai quand même payé beaucoup d'argent pour ça », confia-t-il à Maedhros.
Il jeta un coup d'oeil au brouillon de Maedhros. Il y avait écrit, pêle-mêle :
Moi => F = Le plus vaillant
= Le plus généreux
= Le plus merveilleux <3
Je hais mon frère
(Maglor)
Le Passionnant = de la merde d'orque
« Maedhros, montrez-moi votre esquisse de carte mentale », dit le formateur.
Maedhros lui brandit sous le nez.
« Maedhros... » Le formateur lui posa à nouveau la main sur l'épaule. « Regardez tous ces superlatifs… N'est-ce pas un peu excessif ? »
« Non, il est réellement le plus vaillant. Si vous saviez tout ce qu'il a fait... »
« Je ne sais pas qui est cet elfe, mais quelque chose me dit que vous projetez sur lui des qualités imaginaires... »
« Elles ne sont pas du tout imaginaires ! »
« ...Vous fermant par là à de nombreuses autres opportunités de trouver un partenaire satisfaisant, mais peut-être moins romanesque, capable pourtant de faire votre bonheur. »
La main était toujours sur l'épaule ; Maedhros fronça les sourcils.
* * *
« Passons à la méditation vanyarine... » dit le formateur, en circulant autour des participants, qui étaient tous assis sur des tapis de roseau tressé du Doriath, dans la position dite « de Vana ». Il s'arrêta à la hauteur de Maedhros (qui était naturellement plus haute que les autres).
« Maedhros, détendez-vous », dit le conférencier, « vous êtes tout contracté. »
« Je ne suis pas contracté. »
« Fermez les yeux et laissez-vous aller. Visualisez quelque chose d'agréable. Que voyez-vous ? »
« Je le vois... »
« Lui ? »
« Son sourire... »
« Il vous est précieux. »
« Oui... Sa joie de vivre, sa gentillesse, son courage... Il est si exceptionnel. »
« Bien sûr », acquiesça le formateur.. « Et je connais quelqu'un d'autre qui est exceptionnel... L'elfe le plus exceptionnel de tous, à ce qu'on dit ! »
« Qui ça ? »
Les yeux d'ambre du formateur luisirent soudain d'une lumière étrange.
« Ah ah, votre Père ! »
« MAIS NON ! »
« Maedhros, ne vous enfermez pas dans le déni. Vous souffrez de votre condition. »
« Je ne souffre pas de ma condition ! » protesta le Fëanorien. « Je souffre parce que c'est un amour impossible, car Fin... euh, mon aimé, n'aime pas les mâles comme moi. Il n'aime que les femmes... Il est si masculin et si viril. »
« Voyons, voyons... Vous devriez vous ouvrir sur d'autres horizons. Ne restez pas bloqué sur le même type, les elfes bruns aux yeux clairs à la musculature excessive... Vous devriez essayer autre chose. »
Le conférencier se passa la main dans les cheveux négligemment.
* * *
Le soleil s'était couché sur l'Himlad, et l'on avait allumé torches et bougies.
« Faisons un bilan de cette journée », annonça le formateur, quand tous les participants furent à nouveau assis autour de la table de réunion. « Lana ? »
« Hé bien... Je pense que je vais réfléchir à ma relation avec mon père... » déclara l'elfe nando.
« C'est très bien Lana », dit le formateur en joignant les mains. « Daeron ? »
« Je vais me retirer un temps au plus profond de la forêt, pour méditer comme je l'ai appris durant cette formation. »
« Parfait. Bili ? »
Bili commença à grommeler quelque chose d'incompréhensible, mais il ne put terminer. Car Maedhros s'était dressé de toute sa hauteur, à la lueur des flambeaux
« Avez-vous perdu la raison ?! » s'exclama ce dernier. « Laisserez-vous cet individu insulter vos parents, et nous dépouiller de tout libre choix ? Sommes nous des Elfes et des Nains, ou des chevaux qu'on couple dans un haras, par des calculs sans âme ? Quelle est la vie que ce triste sire nous propose ? Éviter tout remou de l'âme, fuir la moindre petite douleur, comme le dernier des faibles ? Je préfère la liberté au renoncement, même si elle doit s'accompagner de souffrance ! »
Le formateur écarquilla les yeux, ne s'attendant pas à cela. Nulle part dans sa formation pour être formateur, le Grand Formateur ne les avait préparés à ce type de réactions.
« Oui », poursuivit Maedhros, le regard enflammé. « Il est vrai que souvent je souffre, et que mon cœur est brisé, quand je suis loin de celui que j'aime. Mais quand la nuit venue, je monte au guet de ma forteresse, au sommet de la Colline du Froid, et que je tourne mon regard vers l'Ouest... Je la vois, au-delà de la Passe d'Aglon et du Dorthonion.... La lumière bleue d'Eithel Sirion. Je tends mon bras vers elle, je ne peux la toucher. Mais je sais qu'il se trouve là-bas. Et même s'il ne m'aime pas, et ne m'aimera jamais, je veux continuer à l'aimer, car il est beau d'aimer ce qui est digne d'être aimé. Ilúvatar n'a-t-il pas placé en nous l'amour du beau, et de l'absolu ? »
Les yeux de Daeron s'étaient embués de larmes.
« Je suis d'accord avec toi ! » s'exclama-t-il.
« Moi aussi ! » dirent Bili et Lana.
« Mais... » glapit le formateur.
« J'en fais le Serment », reprit le barde sinda en serrant le poing, « dès que je serai rentré en Doriath, je composerai ma plus belle ode pour Lúthien ! »
« Et moi je ferai le plus beau gâteau aux noisettes qui ait jamais existé ! » renchérit Lana.
« Je fabriquerai un casque indestructible, que je dédierai à la Naine de mes rêves ! » dit à son tour Bili.
Ils bondirent tous aux côtés de Maedhros, renversant leurs sièges.
« Bravo ! Quant à moi, j'offrirai à mon aimé un cadeau somptueux ! » clama en conclusion le Fëanorien.
Dépassé, le conférencier les vit sortir de la salle en trombe, exaltés comme jamais.
* * *
Next generation
Le lieu de formation saccagé, Maedhros décida de se changer les idées en rendant visite à son neveu Celebrimbor, pour lequel il avait beaucoup d'affection. Ce dernier se trouvait dans le bâtiment de la guilde des orfèvres, dans sa forge personnelle. Les deux elfes échangèrent quelques nouvelles, puis le fils de Curufin eut soudain un air timide.
« Je voulais te demander quelque chose, Oncle... Comme tu as plus d'expérience que moi... Et que tu as toujours eu beaucoup de succès auprès des femmes. »
Maedhros haussa un sourcil. L'elfe plus jeune poursuivit, rougissant :
« Comment fait-on pour... séduire quelqu'un dont on est amoureux ? »
Son oncle hésita, puis finalement décida de lui faire part de son savoir en la matière :
« Tu dois lui offrir un cadeau.. Le mieux, c'est un bijou. »
Celebrimbor se frotta le menton.
« Comme un anneau par exemple ? » dit-il.
« Oui, un anneau c'est très bien ! »