Maudits silmarils, livre 2 by Dilly

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Héroïque fantaisie


Chapitre 18 : Héroïque fantaisie

 

Les Valkyries

Trois siècles plus tôt, Eithel Sirion n'était encore qu'un chantier. Egalmoth y déambulait avec intérêt, en compagnie d'un comparse notaire. Tandis qu'ils s'arrêtaient près de la porte du palais, un édifice en bois, ils ne purent s'empêcher de regarder le nouveau Seigneur de la Source, dont le bouclier arborait depuis quelques jours un emblème créé ex-nihilo. Sur son profil extrêmement beau, ses longs cils noirs faisaient comme une moitié de plume.

« Alors c'est lui qui a trouvé la source du Sirion, à ce qu'il paraît ? »

Ce guerrier récemment anobli était accompagné de deux femmes en armure. L'une, brune, était presque aussi grande que lui, et gardait les sourcils froncés en toute occasion. La deuxième, plus petite, avait les cheveux gris, et semblait plus jeune.

« C'est une famille de hyènes ? » plaisanta le notaire.

« Il est pas gâté, la femme et la sœur ! » surenchérit Egalmoth.


 

Héroïque Fantaisie

An 314, années du Soleil.

 

I

« Qu'est-ce que c'est que cette tenue ? » s'étonna le Grand Roi des Noldor, assis sur son trône.

« Veuillez pardonner cette triste apparence, Sire », répondit la Dame de la Source, « mais l'on m'a volé mon armure et mes vêtements dans une auberge, et j'ai dû acheter le premier équipement que j'ai trouvé. »

L'armure de la femme-elfe se résumait à une protection d'épaule, une sorte de soutien-gorge en métal surmonté d'un bol renversé sur chaque sein, ainsi qu'un slip de fer. Elle ne portait pas de pantalon ni de tunique, seulement une cape bordée de fourrure.

« C'est censé protéger quelque chose ? » s'interrogea le roi. « Et pourquoi une cape pour temps froid, si il n'y a pas d'autre vêtement ? »

« Je ne le sais, Majesté, c'était un ensemble. Il faut porter le tout en même temps pour que les effets magiques augmentent. »

« Moi j'aime bien... » murmura une voix masculine dans l'assistance.

« J'ai toujours su qu'elle avait une culotte en acier trempé », murmura une autre.

« Soit », dit Fingolfin. « Vous veillerez à vous trouver une nouvelle armure et des vêtements décents. Mais quelle est la raison de votre venue ? »

« Sire, dans ma quête au sein des Catacombes Oubliées, j'ai trouvé un trésor, et je tenais à vous le rapporter avant de retourner en ma demeure. »

Deux serviteurs firent leur entrée, portant un coffre. La guerrière l'ouvrit : il était rempli d'or et d'argent.

Les yeux du Grand Roi s'allumèrent : voilà qui allait renflouer en partie les caisses de l’État, et calmer les Nains qui réclamaient le remboursement des intérêts de leurs prêts.

 

* * *

Pendant ce temps, à Gondolin.

« Messire, toutes les pièces dans ce coffre au trésor qu'on a trouvé… On va les garder pour nous ? »

« Bien sûr », répondit Ecthelion. « Qu'est-ce que vous voudriez qu'on en fasse ? »

« Il n'y a pas une part qu'il faut payer… », hésita Belin. « Je ne sais plus comment ça s'appelle… Le pot, ou quelque chose comme ça... »

« Mais non, on l'a trouvé, alors c'est tout pour nous ! »

Quelques mois plus tard, les deux compagnons d'aventure recevaient un courrier intitulé Redressement fiscal.

 

 


 

II

 

Au petit matin, en se préparant pour quitter l'auberge du Dindon Badin, Ecthelion et Belin se rendirent compte qu'on leur avait dérobé tous leurs vêtements et leurs armures, qu'ils avaient rangés la veille dans le coffre de la chambre.

« Heureusement que j'avais gardé Orcrist près de moi ! » s'exclama Ecthelion, qui dormait toujours avec son épée sous la main.

« Mais moi je n'ai plus la mienne, Messire. »

« Ces brigands doivent être loin maintenant… Qu'allons-nous faire ? »

Ils descendirent dans la salle principale pour se plaindre à l'aubergiste. Ce dernier consentit à leur rembourser le prix de la nuit, mais ils n'étaient pas plus avancés, n'ayant plus comme habits que leur petit linge personnel enroulé autour des hanches, et le drap du lit pour se couvrir.

Ils remarquèrent un marchand, dans un coin de la salle. Sa physionomie leur inspira confiance, car il avait un visage si ordinaire et commun qu'ils avaient l'impression d'avoir déjà croisé cette figure un grand nombre de fois.

« Hé là, négociant ! » s'enquit Ecthelion. « Qu'avez-vous en stock, pour des aventuriers en difficulté ? »

« Bienvenue à vous ! » répondit le commerçant. « C'est toujours un plaisir de faire des affaires avec des aventuriers ! D'autant plus que j'ai beaucoup de choses à troquer en ce moment. Rations, matériel d'artisanat, armes pour toutes les races, armures, potions diverses, vêtements de voyage et d'ornementation… De quoi avez-vous besoin ? »

« On n'a plus rien », résuma Belin en faisant de grands gestes expressifs.

« Vous êtes un elfe de quelle région ? » demanda le commerçant au chevalier de la Fontaine.

« Un Noldo, du Nord… »

« Ah… J'ai un ensemble de Guerrier-Prêtre Haut-Elfe, ce sera parfait pour vous ! Et vous, gentil monsieur ? »

« Un humain, son écuyer. »

« Plutôt voleur, éclaireur… ? »

« Guerrier, comme Messire. »

« Alors pour vous j'aurais ce magnifique set du Guerrier-Barbare de la Malédiction ! »

Ils payèrent, puis allèrent se changer dans leur chambre.

« Je ne suis pas un peu trop habillé ? » se demanda Ecthelion à voix haute, après avoir seulement enfilé les vêtements. Il portait maintenant une longue surveste blanche et mauve avec de grandes saillies de tissu faisant comme des pétales de fleurs, par-dessus un pantalon et des bottes brillantes. L'habit était surmonté d'une cape ample, à collerette. Sur son front, il avait posé un diadème orné de pierres précieuses.

« Moi je crois que c'est le contraire, Messire », dit Belin.

Ecthelion se retourna, mais il ne put répondre de suite, car il avait le souffle coupé.

L'humain avait revêtu l'ensemble du Guerrier-Barbare de la Malédiction, ce qui lui avait pris peu de temps : il était principalement composé d'un casque à cornes, d'épaulettes en fer blanc, et d'un minuscule short bordé de fourrure, très ajusté. Le regard du jeune elfe se posa sur les lanières de cuir reliées par un anneau en métal, qui traversaient les pectoraux et abdominaux poilus du torse nu, sur les cuisses musclées couvertes de poils blonds qui émergeaient du minuscule slip barbare.

« … »

Belin fronça les sourcils.

« Vous allez bien Messire ? On dirait que vous n'arrivez plus à respirer. »

« Beu… Beu… Belin… » bêla Ecthelion, rouge.

Tout le reste de la journée, aux côtés de Belin dans une telle tenue, le chevalier sembla dans un état second.

 


 

III

« Vous ne vous sentez pas gêné, d'être aussi peu vêtu ? » demanda Ecthelion, détournant le regard des muscles poilus de l'humain.

« J'ai regardé la notice », répondit ce dernier – car depuis qu'il avait appris à lire, il lisait tout ce qu'il trouvait. « Elle dit que dans ces armures de barbare il y a des magies incrustacées, dont t'un sort de désinhibition. »

« De quoi ? »

Belin se gratta la tête, pensant s'être trompé sur le mot. Il décida de reformuler : « Un sort qui rend exhibitionniste. »

« Ça explique tout ! »

Le soir venu, une fois le bivouac installé, l'humain se coucha près de l'elfe, après avoir ôté les différentes parties de son armure. Sous la couverture commune, il était désormais vêtu du seul slip à fourrure. Ce fut la goutte d'eau qui fit déborder la fontaine... Toute la journée, la tension n'avait cessé de monter en Ecthelion à la vue de Belin quasi-nu, et de le sentir maintenant contre lui...

« Vous ne voulez pas que je vous prête une partie de mon vêtement de l'Archimage ? Vous devez avoir froid.... »

Les yeux bleus de Belin scintillèrent dans son visage barbu ; Ecthelion sentit son estomac se serrer.

« Non ce n'est point la peine Messire, j'allons m'serrer contre vous... »

L'humain passa son bras autour de son ami elfe, et appuya son torse et son entrejambe contre lui. Ecthelion ferma les yeux, et se mit à réciter intérieurement la prière apprise lors du cours d'éducation sexuelle :

Ô Manwë, toi qui règnes sur le Taniquetil... Fais que mon Taniquetil ne soit plus si orgueilleux, et qu'il arrête de monter et de grossir. Manwë, donne à mon petit Taniquetil la force d'être humble et de résister à...

Il sentit le souffle de Belin sur sa bouche ; sa cuisse poilue se fléchit en avant, se posant sur sa propre cuisse.

« AAAAAAAAAAAH ! »

L'elfe se leva brusquement, et courut jusqu'au petit étang qu'ils avaient croisé en venant de l'Ouest ; il s'y jeta tout entier.

Il ne revint au campement qu'un quart d'heure plus tard, complètement trempé.

« Je m'sommes inquiesté pour vous Messire ! » dit Belin en sortant de la tente.

« J'avons... euh j'avais besoin de me laver. »

« Tout vestu ? J'croyons bien plutôt qu'vous étiez encore pris en fragrant du lit. »

« N'importe quoi ! »

« Non mon sire. J'avons vu que votre épée était à nouveau toute levée et durc-... »

« Taisez- vous ! »

L'elfe rejoignit le feu, les chaussures couinantes, encore pleines d'eau.

Belin conclut sentencieusement :

« Messire Ecthelion, c'est plutôt vous le Barbare, à faire toutes ces choses de fol ! »

 


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