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Les elfes rouges
Comme l’indique son titre, cet épisode est un clin d’œil aux épisodes de Kaamelott mettant en scène Guéthenoc et Roparzh… Adapté au monde de Gondolin !
Episode 23 : Feu la vache de Robert
« Mon roi », déclara Penlodh, « un fermier humain et un fermier elfe vous demandent audience. »
« Faites-les entrer. Cela va me distraire un peu des dernières mésaventures podologiques de ma fille... »
Au lieu de deux personnes, ce furent trois qui entrèrent. Il y avait deux fermiers humains, les deux vêtus de manière rustique et portant le bonnet paysan, puis un elfe vêtu de vert, la tête ceinte d'un foulard de la même couleur.
Des deux humains, ce fut le plus petit qui s'avança. Ses cheveux et sa courte barbe étaient roux. Le seul raffinement de sa tenue était un torque doré autour de son cou.
Il ôta son chapeau et s'inclina.
« Bien l'bonjour mon roy », dit-il avec déférence. « J'voulons point vous importuner, mais on m'a dit qu'vous étiez ben juste ! Et votr'sergent et votr'prévost vouloient point m'croire quant à c't'affaire. Puis vous d'vez estre mis au courant d'une telle ignominie dans votr'royaume ! »
« Excusez-moi mon cher ami », répondit le roi, « mais qui êtes-vous au juste ? »
« J'sommes Robert le Roux, messire, fils d'Erik le meunier, d'la dernière ferme de la vallée avant les alpages. Et lui c't'e mon nouveau voisin. »
Il désignait l'elfe.
« Attendez… Mais je vous connais », dit le roi. « Vous êtes Tathar, le président du SUN, le syndicat nandorin ? »
« C'est juste », répondit l'elfe, droit comme un pic.
« Et alors… Que se passe-t-il ? »
« Y'a monseigneur qu'depuis qu'il s'est installé à côté d'chez nous avec ses compères, y'a qu'des ennuis qui s'créent ! »
« Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre... », siffla le Nando en détournant les yeux.
« Oui oui, nous on s'entendait très bien avec les Elf'Gris et les Elf'Verts d'avant ! Mais lui j'sais pas d'quelle couleur il est mais ça pue ! »
« Oh hé vous me parlez autrement ! », dit l'elfe.
« Calmez-vous Erik… Euh Robert », dit le roi. « Et énoncez quels sont, concrètement, vos griefs. »
« Mes… Mes quoi ? »
« Il faut lui faire la traduction », dit le syndicaliste. « Il ne comprend rien à rien quand on essaye de lui expliquer quelque chose. »
« Que vous a-t-il fait de mal ? », demanda Turgon.
« C'qu'il m'a fait d'mal ? Y'a trois jours, j'vais pour ramener mes vaches qui broutaient les arbustes près d'la rivière… Et ben il en manquait une. »
« Et ensuite ? »
« Et ensuite le lendemain j'aperçois ma vache dans son pré, avec ses vaches à lui ! »
« Ce ne sont pas mes vaches », corrigea l'elfe. « Tout le monde ne vous suit pas dans votre délire de propriété. »
« En plus c'tait une belle vache, avec un pelage couleur'd'miel, une p'tite frange sur l'milieu des cornes et d'grands cils noirs. »
« Il n'y a plus d'humaines dans la vallée sire, concluez-en ce que l'on peut en conclure. »
« Mais qu'est-ce qu'il raconte ? Il insinuerait point que j'fais des choses avec ma vache c't'animal ? »
« Ce ne sera pas le premier. Ils ont de drôles de mœurs les Humains d'ici d'après ce qu'on dit. »
« Ils m'accusent d'choses maléfiques, majesté ! Ce qu'il dit pas c'est qu'dans sa ferme ils font pousser des plantes bizarres qu'j'avons jamais vues ailleurs ! Et l'soir venu ils mettent les feuilles dans leurs longues pipes et ça rigole jusqu'à pas d'heure ! »
« De toute façon, c'est ce qui a été décidé », dit l'elfe Nando. « Il doit donner ses animaux à la coopérative ! Alors puisqu'il ne le fait pas, on le fait à sa place. »
« La coo…quoi ? », demanda Turgon.
« La coopérative, la ferme collective ! »
« Dans ses rêves, oui ! », s'exclama Robert. « J'préfère encore tuer ma vache que la leur donner ! »
« Vous voyez le barbare… Il dit qu'il l'aime mais il veut la tuer ! »
« T-t-t-t. Attendez une minute… », fit le roi. « Qui a décidé quoi ? Je n'ai jamais entendu parler d'une ferme collective, moi. »
« C'est ce qui a été décidé par vote dans le district, Majesté. »
« Par vote ? Non mais attendez… Un vote ? C'est quoi, c'machin ? Y'a pas de vote. C'est moi qui décide quand il y a quelque chose à décider. Parce que je suis le Roi. »
« Je suis un elfe Nando », répondit Tathar. « Je n'obéis qu'au Seigneur Denethor. »
« Il est canné votre seigneur Denethor ! »
« Précisément. Et s'il suffisait de poser le pied quelque part pour dire qu'un pays vous appartient, cela se saurait ! »
« Et bien c'est comme ça que ça fonctionne, figurez-vous ! On arrive avec nos épées et on dit que tout est à nous. Où est le problème ? »
Le Nando en resta la bouche ouverte.
« Tout d'façon moi j'ai point voté, mon sir'l'roy », reprit Robert, « parce que d'toute manière j'savons point lire. Alors c't'a décision elle m'concern'point. »
« Non mais elle concerne personne sa décision de toute façon ! »
« Ce n'est pas ma décision », corrigea le chef Nando. « C'est le résultat d'une procédure démocratique qui… »
« Vous savez où on s'la met votre procédure démocratique ?! »
« Prends ça dans tes oreilles ! », dit Robert.
Puis il murmura à l'autre humain : « T'avois raison, l'roy Turgon c't'un bon roy. »
« De toute manière, je ne peux pas lui rendre sa vache », dit le Nando.
« Et pourquoi point ? », s'enquit Robert.
« Parce qu'elle est décédée. »
« Hein ? », fit Robert l'air hagard.
« Hier matin on l'a retrouvée morte dans le pré, alors on en a fait un grand méchoui. »
« L'salopard ! », s'écria Robert. « J'vais l'trucider avec ma fourche et lui faire sortir les organes ! »
L'autre humain s'efforça de le retenir et y parvint jusqu'à ce que les gardes s'en chargent.
« Social-traître !», le semonça le syndicaliste. « Vous feriez mieux de conserver votre énergie pour combattre l'Impérialisme Noldorin ! »
« Oh, vous vous commencez à me plaire avec vos grands mots et vos kidnappings de vaches ! », s'exclama Turgon. « Vous savez quoi ? Je vous condamne à payer le double du prix de cette bête à l'Humain, pour son remplacement et les préjudices subis. »
« Oui y'a des préjudices moraux m'ssire ! J'l'aimions beaucoup cette vache ! »
Sur ces entrefaites la princesse Idril fit son entrée, les pieds bandés. Elle vint se positionner près du trône.
« Mon père », lui murmura-t-elle, « j'ai ouï dire que vous receviez des humains en ce moment-même ? »
« Oui, il y en a deux là… »
Elle les regarda, avec son beau visage ourlé de cheveux d'or. Robert rougit, mais non l'autre.
« Alors ? », dit le roi.
« Ils ne sont pas très beaux d'apparence », chuchota-t-elle.
« Celui de gauche, le blond, il est correct, tout de même. »
Idril fit la moue.
« D'ailleurs », pensa Turgon, « c'est fou ce qu'il ressemble à l'écuyer d'Ecthelion. »
Il se tourna vers lui.
« Je ne savais pas que Belin le Blond, l'écuyer d'Ecthelion, avait un frère jumeau », dit le roi. « Vous lui ressemblez énormément. »
Le jeune humain baissa la tête, l'air gêné.
« C'n'est point son frère jumeau », dit Robert. « C'est Belin l'Blond lui-même. »
« Mais… Que faites-vous avec lui ? », s'étonna le roi. « On dirait que vous êtes déguisé… »
Belin releva la tête brusquement.
« Il a démissionné de sa charge, monseigneur. »
Le roi fit la grimace.
« C'est à cause d'Ecthelion, c'est ça ? Qu'est-ce qu'il vous a fait ? Je suis sûr qu'il passait son temps à vous crier dessus. »
« Non point messire », répondit Belin. « Il était très bon avec moi. »
« Alors que s'est-il passé ? »
Belin ne voulut pas répondre.
Quand ils sortirent du palais, et qu'ils se retrouvèrent sur la Place du Roi, près de la grande fontaine, ils y virent Glorfindel occupé à discuter avec un autre elfe qui était de dos. On ne voyait que ses longs cheveux noirs aux reflets violets qui reposaient sur sa cape, un bout de son oreille et le relief de sa pommette.
Belin s'arrêta, pris d'une envie subite d'aller lui parler. Mais à ce moment-là il entendit Ecthelion éclater d'un grand rire froid. Glorfindel rit à son tour. Alors Belin, se sentant soudainement de trop, renonça et rejoignit son frère.