Maudits silmarils, livre 1 by Dilly

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La peur

Il n'y a que deux choses dont Glorfindel ait peur.


Chapitre 20 : La peur

 

Glorfindel et Rog prenaient un verre à l'Auberge du Palais, la taverne la plus huppée de la ville. Rog était vêtu de rouge, Glorfindel de vert et d'or.

« Rog, vous me connaissez bien », dit Glorfindel en buvant son troisième verre d'hydromel. « Vous savez que je ne suis pas un couard, et que sur le champ de bataille, il y en a peu qui puissent me disputer la palme du courage. »

Rog hocha la tête.

« Cependant, il y a deux choses dans la vie qui me terrorisent. »

Le forgeron fronça les sourcils.

« La première, hé bien, c'est… la philosophie. Eru sait que je n'y ai jamais rien compris. Et quand Penlodh et le Roi commencent à en parler, je ne sais plus où me mettre, j'ai l'impression d'être le dernier des idiots. Le pire, c'est quand ils se mettent à me demander mon avis. Mais comment donner son avis, quand on n'a même pas compris la question ? J'ai commencé à en développer des maux de ventre, et je ne parle même pas des sueurs froides que je ressens durant leurs discussions interminables, tant j'ai peur qu'ils m'interrogent. »

Rog acquiesça.

« Je vois, moi non plus je ne comprends pas toutes ces finasseries d'intellectuels. Mais j'ai la chance qu'ils ne m'invitent pas souvent à leur table, et encore moins qu'ils me demandent mon avis. Mais quelle est la deuxième chose qui vous fait peur, si la philosophie est la première ? »

Glorfindel baissa les yeux.

« Je n'ose… C'est tellement embarrassant. »

« Vous pouvez tout me dire. Cela ne dépassera jamais la barrière de mes oreilles, vous avez ma parole. »

« Hé bien… J'ai une phobie particulière… Depuis Valinor… C'est assez ancien… Et assez ridicule, pour quelqu'un de mon statut. »

« Dites. »

« J'ai peur des grosses bêtes. »

« Les grosses bêtes ? Qu'entendez-vous par là ? »

Le beau visage se Glorfindel se tordit en une grimace angoissée.

« Les gros monstres, avec des pinces, des pattes poilues, des ailes membraneuses, des cornes… Oh Varda, je ne peux même pas les regarder en face ! »

« Vous voulez dire… vous avez peur des balrogs ? »

Glorfindel hocha la tête piteusement.

« Et des araignées géantes ? »

« Hélas oui. Rien que d'y penser, je peux être pris d'une crise de panique. »

« Et des calamars géants ? »

« Ne me rappelez pas de mauvais souvenirs ! »

« Et des vampires ? »

« Oui. »

« C'est pour cela que vous aviez accepté qu'Ecthelion aille délivrer Orodreth ? »

« Je l'avoue. C'est odieux de ma part, n'est-ce-pas ? Je ne suis qu'un lâche. Pourtant je n'ai pas peur de mourir, ni de souffrir. Mais dès qu'il s'agit de grosses bêtes monstrueuses, c'est comme si je perdais le contrôle de moi-même. »

 

* * *

Deux siècles et quelques décennies plus tôt.

 

Les tentacules étaient soudain sorties de l'eau gelée, comme à la recherche d'un Noldo en tenue d'esquimau à consommer pour leur dessert.

Glorfindel, pâle comme un linge, avait réussi à se mettre derrière Penlodh, qui était plus grand que lui et portait un cache-oreilles en peau d'ours blanc.

« Je m'en occupe, Père ! », s'écria soudain Fingon le Vaillant.

Le Prince s'avança, en bottes et capuche fourrés. Il commença par lâcher quelques flèches sur la partie immergée de la bête qu'il parvenait à distinguer, puis dégaina son épée et se mit à frapper les tentacules. Du sang troubla la transparence de l'eau, et le Monstre regagna les profondeurs.

« Bravo mon fils ! », s'exclama le sage Fingolfin en élevant son bâton de pèlerin. Il se tourna vers la foule et l'apostropha. « Et maintenant, mon Peuple, poursuivons notre Grande Marche ! »

La colonne formée de milliers d'elfes s'ébranla, et se remit en route, dans son Exode.

 

* * *

 

« Messire, il y a quelque chose dont vous avez peur ? », demanda un jour Belin le Blond au Seigneur de la Fontaine, tout en astiquant son bouclier.

« Non. Et vous ? »

« J'avouons que j'ai un peu peur des serpents. »

« Vous êtes très courageux vous savez, pour quelqu'un qui n'avait jamais quitté son moulin. »

« Merci monseigneur », répondit l'humain, les joues rouges.

« Oh, mais j'y pense… Si, il y a quelque chose qui me fait peur. »

« Quoi messire ? »

Mais Ecthelion ne répondit pas.

 

* * *

 

« Mon fils Fingon n'a peur de rien, sauf d'une chose », déclara un Fingolfin joyeux lors d'un banquet donné dans sa capitale de Barad Eithel.

« Laquelle Père ? », dit Fingon l'air à la fois amusé et sceptique.

« Le mariage ! », répondit Fingolfin en le fusillant du regard.


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