Maudits silmarils, livre 1 by Dilly

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Les liaisons dangereuses

Orodreth est amoureux...


Episode 18 : Les Liaisons Dangereuses 

 

Ecthelion ne recevait presque jamais de courrier personnel. La dernière fois qu'il en avait reçu, c'était une lettre de condoléances écrite par Maedhros, et c'était il y a des décennies.

Aussi fut-il étonné quand on lui transmis un pli portant le sceau de la Maison de Finarfin. Il imagina vite quelque affaire martiale et épique… mais fut vite déçu.

 

Cher Ecthelion,

Ilúvatar ! Je ne sais à qui d'autre faire part de mes problèmes, si ce n'est à vous auprès duquel je me suis initialement confié.
Vous vous souvenez de Limwen, cette jeune dame de Barad-Eithel dont je vous avais parlé dans une certaine taverne de Vinyamar, et à laquelle j'ai si rapidement donné mon cœur, bien que le sien ne fût à mon égard que Distance, Ignorance et Glace.

Hé bien ! Il y a du nouveau ! Figurez-vous que j'ai réussi à discuter avec elle de temps à autre, et au fils des jours, je suis un peu devenu son confident.
Cependant, je ne saurais dire si mes sentiments sont réciproques. Elle est certes très amicale, mais elle n'a pas à mon égard de ces marques de tendresse qui trahissent à coup sûr l'amour.
Qu'en pensez-vous ? Que feriez vous à ma place ? Faut-il que je me déclare ? Aidez-moi !!!

Orodreth Fils d'Angrod

P.S. : Passez le bonjour de ma part à votre écuyer.


« Mais qu'est-ce que j'en ai à faire de ses histoires d'amour ! », s'exclama Ecthelion. « Et puis cet abus de signes de ponctuation, cela me rend malade. »

Il appela Belin.

« Oui messire ? »

« Orodreth vous souhaite le bonjour. Vous vous souvenez de lui ? »

« Pour sûr ! Comment va-t-il ? Et la gentille dame qu'il aime bien ? »

« Hein ? Ne me dites pas que vous vous souvenez de ce détail ? »

« Si, je m'en souviens très bien. »

« Franchement, je ne comprends pas… Comment peut-il avoir envie de courir les filles alors que là où il se trouve, il pourrait s'entraîner avec le Prince Fingon ? »

« Ce n'est point la même chose, tout d'même. »

« C'est vrai… C'est mieux ! »

Le lendemain, il rédigea une réponse.

 

Cher Orodreth,

Bien que nous ne nous connaissions que peu, si vous me demandez mon opinion, il faut bien que je vous la donne, par Tulkas.
Abandonnez ces marivaudages indignes d'un petit-fils de roi et entraînez-vous à la guerre.

Cordialement,

Ecthelion Kormaion de la Source

 


 

Meril Limwen était une ravissante jeune elfe à peine plus âgée qu'Orodreth – elle n'avait que 49 ans. Grande et mince, elle était toujours parée et parfumée, et ses longs cheveux étaient bruns comme ceux de la plupart des Noldor.

« Orodreth, comme cela me fait tant plaisir que nous soyons devenus amis », dit-elle en plongeant dans ses yeux bleus ses yeux verts. « Je n'ai toujours eu d'amis que parmi les autres filles de barons, jamais parmi les fils de barons, et encore moins les fils de princes. »

« Ma douce amie ! C'est un honneur que d'être dès lors votre premier ami. »

Après cette spirituelle introduction, ils sortirent dans les jardins suspendus qui surplombait l'Eithel Sirion. Là, le fils d'Angrod ne put s'empêcher de contempler sa jeune camarade dans la lumière hivernale. Dans sa robe sombre bordée d'un col en fourrure blanche, elle était vraiment splendide.

« Vous êtes si belle… », osa-t-il.

« Hélas ! Pas assez ! », soupira-t-elle.

« Comment cela ? »

Elle s'assit sur un banc surmonté d'une tonnelle. Orodreth la suivit.

« J'aime quelqu'un au-dessus de ma condition », avoua-t-elle.

« Voyons, si il vous aime, il n'aura que faire de votre rang. Et vous êtes tout de même fille de seigneur ! »

« Je ne sais pas si il m'aime justement », gémit-elle. « Je ne suis sans doute pas assez belle pour lui. »

« Que racontez-vous là ? Vous êtes merveilleuse ! »

Milwen rougit. Orodreth aussi.

« Oserais-je… », murmura-t-elle.

« Osez, mon amie ! Vous pouvez tout me dire ! »

« Je ne sais… »

Elle baissait ses grands cils noirs qui semblaient humides.

« C'est un elfe très noble… »

« Il est d'une grande famille ? »

« Oui. D'une famille de rois. »

Inconsciemment, Orodreth bomba le torse.

« Le connaissez-vous bien ? »

« Hé bien, il m'arrive de discuter avec lui… Il entend si bien le cœur des femmes ! »

Un grand sourire naquit sur le visage naïf du jeune prince blond.

« Et il est si gentil et aimable… », poursuivit-elle. « Mais c'est un prince… »

« Cela ne fait rien ! », s'exclama Orodreth. « Je suis sûr que sitôt qu'il connaîtra vos sentiments, il voudra vous épouser ! »

« Vous croyez ? », fit-elle, plus rouge que jamais.

« Mais oui ! J'y pense… Est-il beau au moins ? »

« Oh oui ! Il a de si beaux yeux clairs… »

Orodreth était proche de l'extase.

« Et de si longs cheveux, qui montrent sa force ! »

Le visage d'Orodreth se décomposa. Il avait toujours porté les cheveux coupés au bol, à la mode de Nargothrond.

« Je n'ai jamais vu un homme avec des cheveux aussi longs et épais », ajouta Limwen en rougissant. « Et il est si courageux… Et fort… »

Orodreth ne disait plus rien, il n'avait plus de force son cœur venait de se briser.

« Mon dieu, c'est Lui ! », murmura-t-elle soudain d'une voix terrifiée.

Accompagné de quelques lieutenants et écuyers, le Prince Fingon venait d'entrer dans les jardins. Et malgré la fraîcheur du jour, il était torse nu et s'essuyait avec une serviette. Orodreth aurait donné cher pour avoir de semblables muscles abdominaux et biceps, et des cheveux tressés d'or battant ses genoux. Il se sentit soudain laid, incroyablement jeune, incroyablement chauve, et incroyablement misérable.

Le groupe descendait l'allée pavée qui passait près de la tonnelle et du banc où ils étaient assis.

« Oh », glissa Fingon quand il fut au niveau de Milwen, « joli petit haut. »

Milwen rougit et quand Fingon fut hors de vue, elle explosa dans l'oreille d'Orodreth : « Il m'a fait un compliment ! »

« J'ai envie de mourir », pensa Orodreth.

Le soir venu, il prit la plume.

 

Ilúvatar !

Cher Ecthelion, si vous saviez ! J'aurais dû écouter vos conseils, et ne pas me mêler des choses de l'amour. Meril Limwen que j'aime et dont j'ai presque cru, par erreur, être aimé en retour, n'a de yeux et de sentiments que pour le fils du Grand Roi, le Prince Fingon !
Comment pourrais-je rivaliser avec lui ? Je ne suis pas de taille !!

Orodreth, le plus malheureux des elfes, qui songe à s'ôter la vie de désespoir.

 

Deux semaines plus tard, il reçut cette réponse :

 

Cher Orodreth,

Vous avez raison. Vous n'êtes pas de taille. Et si vous vouliez vraiment vous ôter la vie, vous l'auriez déjà fait.

Cordialement,

Ecthelion Kormaion de la Source.


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