Maudits silmarils, livre 1 by Dilly

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Game of thrones


Episode 16 : Game of thrones

 

 

Le roi Turgon aimait construire des maquettes, et il était particulièrement doué en la matière, se chargeant de chaque étape de ses créations, des calculs à l'exécution. Aujourd'hui, il se tenait au milieu d'une carte géante, qui couvrait le sol d'une pièce de son palais. La carte représentait le Beleriand jusqu'aux Ered Luin, et comprenait également l'Ossiriand. Elle était peinte à même le parquet, et des forts et cités miniatures, ainsi que des statuettes de princes, y étaient disposées.

« Voici donc la couronne des Noldor », dit-il.

Il avait déposé une couronne en étain sur la plaine d'Ard-Galen, devant la forteresse noire et les montagnes de plâtre du Thangorodrim.

« A l'origine, elle était à Nelyafinwë, Maedhros, le fils aîné du fils aîné de Finwë, grand roi des Noldor. »

Une petite statue avec des cheveux peints en rouge et une main en moins se trouvait aux côtés de la couronne.

« Mais il la légua à son oncle de demi sang, Nolofinwë, mon père Fingolfin, pour fayoter. Et parce qu'il voulait faire pardonner la trahison de Losgar. Peut-être aussi parce qu'il voulait se taper mon frère… »

Avec une raclette comme celle dont on se sert dans les jeux d'argent pour déplacer les jetons, Turgon poussa la couronne jusqu'à la partie de la carte nommée « Hithlum », puis plaça la figurine de Maedhros au sud d'Ard-Galen, près d'une miniature de fort sur une ligne de collines.

« Maintenant le pouvoir est donc passé de la Maison de Fëanor, la Dépossédée, à celle de Fingolfin, et réside dans la capitale de l'Hithlum, Barad-Eithel, qui surveille la forteresse de Morgoth : Angband, cachée sous les Montagnes de Fer, et protégée par les sommets du Thangorodrim. Mais il y a aussi un autre roi en Beleriand, installé plus tôt, le roi Elu Thingol, souverain des Elfes Sindar. Il réside à Doriath avec sa femme, la maïa Melian. Et à l'exception des gens de la Maison de Finarfin, il n'aime pas les Noldor, car ils massacrèrent ceux de son peuple au-delà des mers. »

Une autre couronne, une sorte de bandeau d'argent en style nouilles, était posée sur la forêt centrale où était inscrit les mots « Doriath » et « Anneau de Melian ».

« Il y a un troisième pouvoir, sur les rives Ouest du Beleriand : Círdan le Teleri, et ses deux ports de Brithrombar et Eglarest. Il a plus ou moins prêté allégeance à Thingol, dont il partage la race, tout en demeurant autonome. Enfin, il y a les Nandor, les Elfes Sylvains qui vivent dans le reste du pays, à l'Est et au Sud, dans les arbres. Et puis, des Sindar éparpillés un peu partout aussi… Mais revenons au grand roi des Noldor… »

Il prit dans sa main la statuette représentant Fingolfin.

« Il possède plusieurs vassaux. D'abord, ceux de la Maison de Fëanor, les frères de Maedhros : Maglor qui protège la Brêche à l'Est d'Himring, ici, Celegorm et Curufin qui font de même pour la Passe d'Aglon, à l'ouest, entre les collines d'Himring et le Dorthonion, puis le Sombre Caranthir, qui règne sur le Thargelion, tout à l'Est, à côté des Nains, et en dessous, vers Amon Ereb, les jumeaux Amrod et Amras, dont on ne sait pas trop bien ce qu'ils font, d'un autre côté ce n'est pas comme s'ils intéressaient grand monde. Si l'on revient sur Ard-Galen, en descendant vers le Sud, on tombe sur le pays de Dorthonion et la vallée nord du Sirion, régie par la Maison de Finarfin, c'est-à-dire Finrod Felagund et ses frères, Angrod et Aegnor. »

Les trois figurines avaient les cheveux peints en jaune et une expression sympathique.

« Ensuite, nous traversons le Sirion et les Ered Mithrim, sous le pays du Grand Roi… Là, il y a le Dor-Lomín, fief du fils aîné, le Vaillant et Viril Fingon, le préféré de son père. On se demande pourquoi… »

La statuette de Fingon était la même que celle de Fingolfin, sauf qu'elle avait des nattes.

« Et en-dessous encore, mais au bord de la mer, il y a le Nevrast, le pays de Turgon le fils cadet, avec la cité de Vinyamar, la première qui fut construite en dur par les grands architectes et bâtisseurs Noldor. Mais Turgon est parti vivre dans une vallée cachée près du Sirion, au sud du Dorthonion… parce qu'il voulait qu'on lui foute la paix. »

Il déplaça la statuette de Turgon à l'endroit où se trouvait Gondolin. Puis il sortit pour continuer à travailler sur sa maquette des deux Arbres.

 

 


 

 

Egalmoth le marchand posa la lettre sur le bureau de son premier secrétaire, Nindë, un elfe brun au long nez.

« Regardez ce que ce rapace de Penlodh nous a encore pondu ! Un nouveau prélèvement réservé aux elfes les plus riches de Gondolin ! » 

L'assistant cligna des yeux en lisant la lettre.

« 25 % de prélèvement ? C'est une somme énorme… », murmura-t-il.

« A qui le dites-vous », aquiesça Egalmoth. « Cette fois, trop c'est trop ! Faut pas pousser Manwë dans les orties ! »

Le secrétaire haussa un sourcil.

« Il faut agir, Nindë, et vite ! »

« Certes, mais comment monseigneur ? Le roi sera difficile à convaincre. Penlodh est son premier conseiller. »

« Alors il faut le faire tomber en disgrâce. »

Il savoura les mots prononcés, le regard brillant, tourné vers l'invisible but à atteindre.

Et le soir-même, entouré d'autres seigneurs et de bon vin, il se répandait dans l'un des salons de la tour de sa Maison.

« Y'en a marre de ce favoritisme pratiqué par le roi à l'égard des Vanyar ! »

Certains froncèrent les sourcils, d'autres hochèrent la tête.

« Que voulez-vous », soupira Enerdhil. « Turgon les a toujours admirés. Il s'est même marié à l'une d'eux. »

« Vous savez, je n'ai jamais vraiment été un fan de l'Autre Taré… », commença alors Egalmoth.

« L'Autre Taré ? »

« Fëanor. Mais parfois, j'ai envie de reprendre ses mots : Show me thy black hair ! »

« Oui ben il était mal placé pour dire ça, il avait trois gosses roux. »

« Oui mais le roux à la limite ça passe, c'est couleur de feu. Par contre les Blonds c'est le mal ! »

Glorfindel sursauta.

« Je vous rappelle que les Valar ont toujours porté les Vanyar en haute estime. »

Egalmoth leva les mains vers le ciel.

« Les Valar ? Mais faut arrêter avec les Valar ! C'est des couilles molles ! C'est qui qu'est allé chasser Melkor quand il s'est barré comme un voleur, avec toute l'argenterie et après avoir ruiné nos cierges géants ? C'est nous, les Noldor ! Avec nos petites mains ! Tandis qu'eux, ils se planquaient derrière leurs montagnes… Et ils les ont faites pousser ! Pourquoi ? Parce qu'ils avaient les foies ! »

Les autres chevaliers se prirent la tête dans les mains.

 

 * * *

 

Quelques jours plus tard, Egalmoth et son secrétaire se réunirent à nouveau pour faire le point sur leurs premières recherches.

« Non mais c'est fou le pouvoir qu'il a réussi à concentrer entre ses mains ! », s'exclama le marchand en compulsant ses feuillets. « Il dirige deux Maisons, celle du Pilier et celle de la Tour de Neige, il est maire du palais, Grand Chambellan, intendant du Trésor, Premier Conseiller du roi…»

« Et le roi s'en est si infatué qu'il lui a donné une partie de ses appartements », ajouta Nindë.

Egalmoth eut un bref rire sec.

« Bientôt, il va distribuer les Lembas à la place d'Idril ! D'ailleurs… Je me demande ce qu'il y a dans cette tisane qu'il apporte au roi… Qui sait si il ne s'en sert pas pour lui brouiller l'esprit… »

« Il faudrait essayer de la faire analyser… »

« Vous connaissez quelqu'un aux cuisines ? »

« Le chef-pâtissier. »

« Très bien. Avez-vous trouvé d'autres choses ? Il a forcément une faiblesse quelque part. Tout le monde en a une. Une fiancée ? Une maîtresse parmi les autochtones ? »

« Je n'ai rien trouvé là-dessus, je l'avoue. Il semblerait qu'il n'ait aucun intérêt amoureux particulier. »

L'air pensif, Egalmoth se gratta le menton. Il formula ses conjectures à voix hautes : « Si il n'y a rien du côté des femmes – ce qui ne m'étonne pas tant que ça, soit dit entre nous… il y a peut-être quelque chose du côté des hommes ? Je l'ai toujours trouvé louche. »

« Je n'ai hélas rien trouvé de suspect, Seigneur Egalmoth. »

« Avez-vous fouillé dans son passé ? Pas seulement en Beleriand… »

« Je me suis permis de faire rassembler quelques éléments biographiques… »

« Bien. »

Nindë prit sa feuille de notes et commença à transmettre et synthétiser les informations récoltées.

« Alors… D'une origine plutôt modeste, il est né à Valimar, d'un père noldo confectionneur de tapis et d'une mère vanya… Sa mère était herboriste. »

« Tiens donc… »

« Il a deux frères et une sœur. Ses frères, ainsi que ses parents, sont demeurés en Valinor. Quant à sa sœur, Nieninquë, elle a suivi l'exode et s'est fixée en Mithrim, puis plus récemment à Vinyamar. Elle ne fait rien de particulier dans la vie. D'après mes dernières informations, lors du voyage du roi à Vinyamar, Penlodh en aurait profité pour la faire venir ici, à Gondolin. »

« Intéressant… On peut peut-être découvrir des choses en enquêtant de son côté. »

« Il a suivi un temps les cours de divers doctes, dont les plus prestigieux. Il a même passé plusieurs années à méditer dans les Pelori avec un maître vanya. »

« Il n'y a bien que les Vanyar pour gaspiller leur temps à faire des conneries pareilles. »

« Puis Penlodh est ensuite venu habiter définitivement à Tirion, où il est devenu l'un des conseillers de Finwë, puis de Fingolfin. Après la Traversée, lorsque Turgon est parti s'installer en Nevrast, Fingolfin l'a recommandé à son fils. »

« Et le fiston a voulu complaire à son père, bien entendu… »

 

* * * 

 

Après avoir quitté son secrétaire et camarade-conspirateur, Egalmoth poursuivit son enquête en se rendant dans la caserne de la Maison du Pilier. Aredhel, la sœur cadette du roi, y était occupée à former de jeunes archers.

« Ainsi Penlodh vous a confié une partie de ses responsabilités dans cette Maison », commenta Egalmoth à voix haute.

« Oui… Pourquoi cet étonnement ? Cela gêne votre orgueil de mâle dominant élevé dans une société fondamentalement patriarcale ? »

Les yeux du marchand s'écarquillèrent. Se souvenant brutalement de la façon de parler du syndicaliste des Nandor, il était sujet à un subit stress post-traumatique.

« Euh… Non… Pas du tout… », répondit-il difficilement. « D'ailleurs, il m'est parfois arrivé de penser… que comme Penlodh dirige deux Maisons… il pourrait vous laisser celle-ci. »

« C'est vrai… », murmura Aredhel songeusement. « Je n'y avais jamais pensé. »

Touchée, se dit Egalmoth intérieurement.

« Quoiqu'il en soit… Vous devez le voir souvent… Et être proche de lui. »

« Pas vraiment », dit la jeune femme. « Il est très aimable, mais c'est quelqu'un de secret. »

« Je me suis toujours demandé si il avait des projets de fiançailles… Ou s'il fréquentait quelqu'un… Je ne me souviens pas de l'avoir jamais vu bras dessus bras dessous avec une femme. »

« Moi non plus à vrai dire… »

« Il vous a déjà fait la cour ? »

Aredhel rit.

« Non ! Ce n'est pas son genre. »

« Quoi ? Ne pas faire la cour à une belle femme comme vous ! »

Egalmoth croyait que son compliment serait bien accueilli. Il n'en fut rien. Aredhel avait l'air exaspérée.

« Non mais c'est quand même fou ! Cette manie de toujours réduire les femmes à leur apparence physique ! », s'irrita l'archère.

« Ce n'est pas ce que je voulais dire… »

« Oh que si ! Votre éducation noldorine machiste vous conditionne et parle à votre place ! »

Le marchand essaya de garder son sang-froid et de ne pas exploser.

« Ce que je voulais dire… C'est qu'il a peut-être d'autres goûts… En dehors de la gente féminine… »

« Hein ? »

La garçonne fronçait les sourcils sans comprendre.

« Qu'il est de la pédale ! », précisa Egalmoth.

La femme-elfe secoua la tête.

« Non, je crois plutôt que les choses de l'amour ne l'intéressent pas, et qu'il préfère se consacrer à son travail… Un peu comme mon frère Fingon. »

Egalmoth ne put réprimer un rire.

« Si il est comme votre frère Fingon, c'est qu'il est de la pédale… »

« Quoi ? Mais mon frère n'est pas… »

« Allons ! », fit le marchand. « Soit il l'est, soit il est cloîtré dans un placard avec des portes vitrées ! Un type qui se lance dans une mission suicide pour en sauver un autre qui l'a déjà vendu deux fois… Si ça c'est pas de l'amour ! »

« Misérable personnage ! », s'exclama alors Aredhel. « Je ne vous laisserai pas insulter mon frère de la sorte ! Sortez de cette pièce. »

Elle n'est pas si ouverte d'esprit, finalement, se dit Egalmoth en détalant avec le peu de dignité qui lui restait.

Bientôt, Nindë fit son rapport à Egalmoth : les tisanes que faisait préparer Penlodh pour le roi avaient été analysées.

« Alors ? »

« De la menthe, du millepertuis, et de la camomille. Une recette classique pour combattre les humeurs noires et les problèmes de digestion, semblerait-il. Rien de nuisible à la santé, au contraire. »

« Mouais… Cela dépend peut-être du dosage. »

« De votre côté monseigneur, avez-vous trouvé d'autres éléments qui pourraient lui nuire ? »

« Pas vraiment. Seulement des suppositions… Mais je pense qu'il va falloir faire avec. Comme le dit le proverbe : Calomniez, il en restera toujours quelque chose ! C'est ce que je vais faire. Je vais en parler à Turgon. Insuffler dans son esprit la graine du soupçon. »

« Cela pourrait peut-être fonctionner. »

« Faites envoyer au roi un message disant que je désire le rencontrer seul à seul, en privé. »

Egalmoth reçut une réponse dans les heures qui suivirent. Le roi était prêt à le rencontrer le soir-même, dans ses appartements.

 

 * * *

 

Après un bon dîner, le négociant revêtit donc sa mante bleue et se mit en route. Les gardes le laissèrent passer, jusqu'aux derniers étages de la Tour du Roi. Mais quand il fut entré dans le premier salon des appartements du fils de Fingolfin, il fut surpris de constater qu'aucune lumière n'était allumée. Seule la lumière des étoiles était visible à travers le verre des larges porte-fenêtre.

Cependant, une très haute silhouette, hiératique, l'attendait dans l'ombre. Elle se retourna, devenant plus visible. Les cheveux étaient plus clairs que ceux de Turgon. On aurait dit qu'ils étaient châtains et non noirs. Le nez aquilin semblait différent.

« Quel plaisir de vous rencontrer, Seigneur Egalmoth », dit l'elfe.

Ce n'était pas Turgon. C'était Penlodh.

« Quoi ? Où est le roi ? »

« Il ne viendra pas. »

« Pourquoi ? »

« Parce qu'il n'a jamais eu votre message. »

Egalmoth sursauta.

« Parce que je sais que vous complotez contre moi », poursuivit Penlodh. « Et parce que depuis que votre messager a vu plusieurs membres de sa famille être condamnés pour avoir corrompu des geôliers afin que le Seigneur de la Fontaine ne puisse pas sortir de prison, il pense me devoir quelque service en échange de mon indulgence. »

« Le traître ! Je vais le radier de ma Maison ! »

« Il intégrera l'une des miennes. »

« Vous n'êtes qu'un… », siffla Egalmoth.

« Fils d'un petit confectionneur de tapis ? Mais je ne suis pas venu ici pour vous nuire. J'aimerais savoir ce qui vous a poussé à tenter votre coup. Ce que vous avez à me reprocher. Pour que nous puissions en discuter… Même si vous n'avez rien de concret contre moi. »

« Vous le savez très bien ! Ce nouvel impôt sur les grandes fortunes ! Et quant à ce que j'ai contre vous… Je sais que c'est vous qui donnez la recette de l'infusion que prend le roi, et qui la faites préparer. Qui sait ce que vous faites mettre dedans ? »

« Le roi souffre de mélancolie », se contenta de répondre Penlodh.

La plupart du temps, il gardait les yeux baissés, puis il les relevait brusquement pour vous fixer, et c'est alors que vous vous aperceviez que l'iris de ses yeux était d'un bleu extrêmement clair. Les yeux du demi-Vanya donnaient l'impression d'ouvrir votre âme comme si elle n'était qu'une banale chose matérielle, mais il y avait aussi en eux une certaine douceur et aménité qui semblait respecter cette âme comme quelque chose de fragile et d'unique, aussi puissant et important que le monde tout entier – qu'un autre monde tout entier.

« Réfléchissez, seigneur Egalmoth. Qu'est-ce que cela va changer à votre vie, de payer cet impôt ? Vous aurez toujours autant de pierres précieuses brodées sur vos vêtements. Et quoi ? Peut-être un peu moins de cornalines avec vos boules de bain. »

« Ah non ! Les boules de bain c'est sacré ! Mais, une minute… Comment vous savez ça ? »

« Il n'est rien qui n'échappe à la police du roi », répondit l'Intendant.

Egalmoth fulminait intérieurement. Il avait l'impression de se trouver face à une entité à la fois inconnue et omnisciente contre laquelle toute lutte était vaine.

« Si vous avez besoin d'un délai pour le paiement », reprit Penlodh, « vous pouvez en faire la demande au Trésor. »

« Je n'ai pas besoin de délai », protesta Egalmoth. « Pour qui me prenez-vous ? Un de ces Sylvains sans le sous ? »

Il quitta la pièce.

Il avait peut-être perdu, cette fois… Mais un jour, il l'aurait. Il découvrirait sa faiblesse… Et alors, il l'écraserait. Comme on écrase une mouche. Ou plutôt comme un orc écraserait une mouche. Car les elfes ne tuaient pas les mouches.

 


 

C'était une image que tous les jeunes elfes noldor nés en Beleriand avaient en tête.

Dans la vaste yourte royale soutenue par une imposante charpente de bois, Fingolfin, assis sur un siège curule, avait le visage calme et grave. Face à lui, Maedhros Nelyafinwë, maigre dans ses riches vêtements, s'était agenouillé, son long visage émacié caché par des mèches de cheveux rouges.

« S'il n'était nul grief entre nous, seigneur, la royauté te reviendrait de droit, à toi qui es l'aîné de la maison de Finwë, et non le moins sage. »

Il ôta la couronne fëanorienne de ses cheveux, et la tendit à son oncle.

Et Fingolfin l'accepta et la prit dans ses mains.

Mais ce qui avait réellement suivi n'était pas connu.

La nuit était tombée, et tous les membres de la cour avaient regagné leur tente ou leur campement. Les gardes demeuraient à l'extérieur. Fingolfin était seul dans la partie de la yourte qui lui servait de salle d'honneur. Assis sur le trône de bois, la couronne de son frère sur la tête, il semblait songeur.

Au bout d'un moment, il ôta la couronne, et la considéra, posée dans ses deux-mains, d'un air mélancolique et las.

Puis son visage se transforma, comme s'il avait porté un masque, et que ce masque se défaisait.

L'air sage, mélancolique et grave disparut…

Pour laisser place à une expression de jubilation.

Il donna à la couronne trois gros baisers appuyés.


Chapter End Notes

Ce chapitre est dédié à la mémoire d'Enguerrand de Marigny...

L'histoire des tisanes empoisonnées vient du film "La cité interdite"/"Curse of the Golden Flower" de Zhang Yimou.


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