Maudits silmarils, livre 1 by Dilly

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Les fils de Fëanor


Chapitre 31 : Les fils de Fëanor 

 

Alors qu'ils attendaient, à Tol Sirion, l'arrivée des autres participants au Conseil qui devait réunir les princes des royaumes du Nord, Turgon s’adressa à son ménestrel, Hildor de la Harpe : « Bon les fils de Fëanor vont arriver, alors vous, vous calmez vos ovaires ! »

« Moi ? »

« Qui d’autre ? »

« Mais je n’ai pas d’ovaires, majesté… »

« Vous êtes sûr ? Non parce que c’est caché, ces trucs-là… »

Les trompettes retentirent, interrompant leur échange. Le héraut s’avança devant la grande porte.

« Les Fils de Fëanor, l’Esprit du Feu ! », annonça-t-il.

Turgon fit un bruit méprisant avec sa bouche, puis couva Hildor d’un regard menaçant, qui signifiait « Pas de couinements ».

Les Sept Fils allaient arriver les uns après les autres, l’entrée n’étant pas praticable de front. Le héraut prit alors son inspiration et donna à nouveau de la voix : « Maedhros, le Bien-formé ! »

Turgon s'étrangla en entendant prononcer l'épithète. Et le seigneur d’Himring franchit la porte du fort, monté sur son grand cheval à la robe sombre. Il était vêtu de rouge, mais son plastron était noir, excepté une étoile blanche à son centre. Sa tête rousse était ceinte d’un cercle de cuivre, et elle flamboyait sous le soleil. Il tenait les rênes de sa monture de la main gauche, la droite pendant contre son flanc, réduite à un capuchon de cuir. Son visage était pâle et dur, d’une sculpturale âpreté.

Turgon sentit Hildor s’éventer à côté de lui. Mais ce n’était que le début…

« Maglor à la Voix Puissante ! », proclama alors le héraut.

Un battement, dans le vent, de longs cheveux bruns et lisse. Le second Fils était monté sur un cheval blanc, et les hautes pommettes de son visage clair faisait ressortir de grands yeux gris où se lisait une certaine douceur. Mais sa main, couverte de maille, était aussi habile à faire chanter une harpe qu’à donner la mort.

« J’ai chaud… », murmura Hildor.

Turgon lui murmura : « J’y pense, Maglor, ça doit être un peu une sorte d’homme idéal, pour vous, non ? »

« Hein ? »

« Celegorm, le Beau ! »

Le prince d’Himlad garant de la Passe d’Aglon fut précédé par un concert d’aboiements. Une meute de grands chiens de chasse courait devant lui, et vint se coucher derrière Maglor. Celegorm, lui-même, menait destrier gris, et ses cheveux brillants ondulaient régulièrement de chaque côté de son visage, beiges et argentés. Ses sourcils étaient sombres, et ses yeux bleus. L’arrogance était dans chaque atome de sa personne, et certains auraient dit qu’elle ajoutait à sa beauté.

Le Héraut se retira.

« Quoi ? C’est tout ? Mais où sont les autres ? », demanda le ménestrel en détresse. « Le Sombre Caranthir, au sang bouillant ? Curufin l’Artificieux, beau comme son père ? Les jumeaux Ambarussa, aux corps athlétiques et aux cheveux de feu ?! »

« Non mais, vous allez arrêter de me mettre mal à l’aise, oui ? C’est un conseil de princes du Nord, seuls les princes du Nord sont venus.  Curufin a dû rester en Himlad pour gouverner pendant l’absence de son frère. Il n’importe. Celegorm le Beau, mais où sont-ils allés pêcher ça ? C’est Celegorm le Blond. »

 

Ce qui suivit calma néanmoins les inquiétudes de Turgon. Maedhros ne se permettait pas de familiarités particulières avec son frère, il était même plutôt distant, tout en ayant toujours à son égard d’étranges regards appuyés. En revanche, il ne quittait pas Fingolfin, son oncle et suzerain, avec qui il avait déjà remporté une bataille et coopérait activement. Il lui faisait de grands sourires et de grands rires, et beaucoup de compliments.

« Ça lèche, ça lèche », commenta Turgon.

« Maitimo est de retour », se contenta de dire Glorfindel. « Mais il y a pire… Celegorm. »

« Celegorm… Alors celui-là, je n’ai jamais pu l’encadrer », dit Turgon. « Il a l’air encore plus prétentieux qu’Ecthelion, et laissez-moi vous dire que celui-ci place déjà la barre très haut. »

Glorfindel fit la moue. Penlodh, qui n’aimait pas médire, se contenta de se racler la gorge.

« Majesté, je ne crois pas qu’il y ait jamais eu quelque chose de romantique entre lui et votre sœur, en réalité. »

« De toute façon, ma sœur n’est pas complètement aveugle. Elle ne voudrait jamais épouser quelqu’un dont les agissements sont à la source de la mort d’Elenwë. Pff ! Il n’y en a pas un à sauver dans cette fratrie, à part peut-être Maedhros. Mais bon, lui, il a des tendances bizarres. » 

 


 

 

Accompagnés de leurs principaux chefs de guerre, les princes du Nord étaient maintenant réunis autour d'une table, pour un sommet diplomatique de concertation.

« Je propose que nous commencions par parler de la sécurisation du Passage d’Aglon », déclara Maedhros. « Majesté ? »

Fingolfin acquiesça de la tête, et la discussion s'engagea, sérieuse et cordiale. Mais si l'on avait pu lire dans les pensées des participants, voici ce qu'on aurait entendu.

« Mais qu’est-ce qu’on se fait chier… Vivement que je rentre à Gondolin, moi. »

« Le roi a encore l’air de mauvaise humeur… Je me demande si nous ne devrions pas revoir le dosage de sa tisane. »

« En fait, j’ai bien envie d’aller explorer les environs. Je me demande si mon cousin Maedhros voudra m’accompagner… Nous n’avons pas vraiment eu le temps de nous parler depuis son arrivée, et cette pensée me serre le coeur. »

« Je ne pensais pas frapper si fort, la dernière fois… Mais c’est Turgon aussi, si il s’entraînait régulièrement au lieu de passer son temps à rêver de châteaux en Eriador, on n’en serait pas arrivés là. »

« Hum… Je me demande ce que fait la douce Nieninquë, en ce moment. »

« Quelle bande d’abrutis. C’est si dur de ne pas dire ce que je pense. En plus, je n’ai même pas Curufin avec moi pour pouvoir leur casser du sucre dans le dos... Je m’ennuie. Tiens, je vais prendre un petit sourire ironique, comme lui, pour bien montrer que je ne suis pas dupe. »

« Par Aulë... Cette bannière avec un cœur… Je ne m’y ferai jamais. »

« Demain, j'irai demain… Et je demanderai à Maedhros. Comme cela nous aurons tout le temps pour discuter, et nous camperons ensemble, comme au bon vieux temps. Et nous ferons du canoë, de la course à pieds, et de l'escalade... Hum, non. Peut-être pas de l'escalade. Ça va lui rappeler de mauvais souvenirs. Et puis, avec une seule main... »

« Mais quel connard, celui-là… Il croit que je ne le vois pas, son petit sourire ironique ? »

« Mon frère a envie de frapper Celegorm... Cela se voit rien qu'à son visage. »

« Je me demande comment Nelyo fait pour avoir l’air toujours aussi sérieux. Il a l’air tellement concentré et plongé dans la discussion. »

« Oh mon dieu… Si seulement… Je pouvais prendre ses tresses dans mes mains… Enfin dans ma main… Et les toucher… Les embrasser… Je l’aime tellement… Pourquoi ?! »

« Bon », fit Maedhros a voix haute. « Donc nous sommes d’accord. »

« Tout à fait d’accord, pour ma part », dit Fingolfin.

Ils se serrèrent la main.

 


 

Ils s’étaient profilés dans l’horizon désertique, sept ombres à cheval devant le crépuscule.

Contre le crépuscule.

Les Sept.

Qui sait à quel appel répondaient-ils ? Leurs mains étaient couvertes du sang de la Vengeance. Dans leur sillon, duels et expéditions punitives, sur fond d’errantes lignes d’harmonica, aussi brisées et égarées que la folie de leurs esprits.

Les Sept mercenaires.

Les Sept Salopards.

Les Sept… Fils de Fëanor.

« Hildor ? Hildor ? »

Le ménestrel sursauta. Il s’était assoupi quelques instants.

« Vous étiez encore dans vos rêveries fantasmagoriques d’un autre temps, c’est ça ? », dit Turgon.

« Oui majesté… C’est le vin d’ici… Je crois qu’il est trop fort. »

Son regard tomba involontairement sur le dos de Fingon, occupé à parler armement avec Aegnor… et notamment sur le haut de sa jupe – d'un bleu électrique audacieux – qui commençait par une forme légèrement arrondie et compacte.

« Mais vous allez arrêter de regarder les fesses de mon frère, oui ?? »

 


Chapter End Notes

Rappel : Nelyo et Maitimo sont deux des noms de Maedhros en quenya.


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