Maudits silmarils, livre 1 by Dilly

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Le voeu de chasteté

Ecthelion dans la fontaine.


Chapitre 33 : Le voeu de chasteté

 

 

En ces heures caniculaires, des jeunes femmes elfes, dans leur légère robe de festival, étaient entrées dans la fontaine principale et s’amusaient à se mouiller, rendant leurs tuniques blanches transparentes.

Belin, qui était à nouveau excité, se morfondit en lui-même.

« Le seigneur Ecthelion a raison », pensa-t-il. « Je ne songe qu’à ça. Mais c’est plus fort que moi, par dieu ! J’pouvons pas l’contrôler. Toutes ces belles filles fées qui n’pensent point t’à mal ! Suis-je donc une beste ? »

Assis à la table des convives, à sa gauche, Ecthelion regardait le spectacle d’un air impassible.

« Si seulement j’pouvions être aussi noble et sérieux qu’monseigneur ! N’pensant qu’aux batailles et non point t’à me marier ou à faire l’acte ! »

« Tout de même », dit tout d’un coup Ecthelion. « Elles pourraient aller se baigner ailleurs que dans ma fontaine… Il y a des thermes pour cela. »

Surpris, Belin fit tomber sa miche de pain. Il se baissa pour la ramasser, car elle avait roulé sous la table. Mais quand il l’eut dans la main et qu’il releva les yeux, ce qu’il vit le laissa pantois : la toile du pantalon de son Seigneur, juste sous la ceinture, arborait une déformation dont il connaissait bien la raison, pour y être si souvent sujet lui-même. L’humain regagna sa chaise, l’air goguenard.

« Pourquoi vous faites cette tête ? », demanda Ecthelion.

« Pour rien messire. »

« Je suis sûr que vous pensez encore à quelque chose de salace. »

Belin haussa les épaules. Il se sentait moins seul dans l’univers.

Mais les jeunes filles elfes s’aperçurent qu’elles étaient observées, et pas pas n’importe qui. Elles firent des mouvements de main pour indiquer aux deux jeunes gens de les rejoindre. Belin ne se fit pas prier. Mais Ecthelion refusait de venir. Il fallut plusieurs filles pour le tirer jusqu’à la fontaine et l’y plonger.

Le fils du meunier se félicita d’avoir le haut des oreilles cachées, car il pouvait ainsi passer pour un elfe sinda de petite taille. « Je suis au paradis », pensait-il, coincé entre quatre jeunes elfes toutes mouillées. Mais Ecthelion semblait tout de même avoir plus de succès que lui. 

« Qu’est-ce qu’il est beau… », murmurèrent plusieurs voix féminines.

« Je ne suis pas beau ! », protesta Ecthelion. 

« Oh si messire, vous êtes bien beau ! », dit Belin. « Tellement que ça fait des petites douleurs à l’estomac quand on vous regarde. »

Les filles-elfes le considérèrent soudain avec un air dégoûté. Bientôt, les deux garçons furent complètement trempés par leurs soins, et le problème d’Ecthelion, qui ne s’était pas arrangé, se mit à pointer au grand jour. Certaines jeunes filles, celles qui savaient de quoi il s’agissait, se mirent à rire. L’une murmura dans l’oreille de son amie : « C’est plutôt Erection de la Fontaine, qu’on devrait l’appeler… » D’autres, plus innocentes, lui demandèrent ce qu’il gardait dans son pantalon.

Le regard du roi, qui était au balcon avec deux de ses seigneurs à observer les festivités, revint se poser sur la fontaine principale, au travers d’une lunette de vue.

« Non mais ça vire à l’orgie ce truc ! », s’exclama-t-il, voyant deux de ses soldats dans la fontaine, dont l’un nanti d’une protubérance satyrique, entourés de jeunes filles dont les robes mouillées ne laissaient plus rien à l’imagination.

« C’est moi où les mœurs se sont drôlement relâchées depuis qu’on en est en Beleriand ? », demanda Enerdhil, richement vêtu de noir, les couleurs de sa Maison.

Egalmoth leva les mains au ciel d’une façon exagérée.

« Mais où sont passées les Vertueuses Vierges de Tirion, je vous le demande », dit-il.

« Attendez, mais c’est Ecthelion ! », s’exclama le roi en passant sa lunette aux autres.

« Il n’avait pas fait vœu de chasteté, cet abruti ? », s’étonna Egalmoth.

« C’est du propre… », soupira Enerdhil.

Il passa la lunette à son collègue.

« Ah ben on en voit les effets nocifs », dit Egalmoth en observation. « A force de se retenir… Quand ça sort, ça sort ! On pourrait embrocher un balrog avec ça ! »

 

* * *

 

« Je suis humilié », gémit Ecthelion quand il fut rentré chez lui, dans sa livrée de festival qui avait déjà séché.

« Pourquoi monseigneur ? », demanda Belin. « C’la arrive à tout le monde et c’est naturel. »

« A vous peut-être… Mais moi, j’ai fait vœu de chasteté. Encore heureux qu’il n’y ait pas d’autres témoins que ces filles. Quel déshonneur. »

« Vous n’allez point vous tuer tout d’même messire ? »

« Non ! Pourquoi je ferais cela ? »

« Je n’en sais rien, vous êtes tellement sérieux parfois. »

« Mais si un jour il me faut pratiquer le suicide rituel, je vous demanderai d’écourter mes souffrances en me tranchant la tête. »

« Oh non, me d’mandez point d’faire ça messire, ça m’rendrait trop malheureux ! »

« Vous avez raison. Il vaut mieux se trancher soi-même la gorge que s’ouvrir le ventre. »

Il s’assit sur la banquette à côté de son écuyer.

Cinq minutes plus tard, la voix de Belin s’éleva à nouveau :

« Monseigneur… Ce n’est point parti ! »

« Je sais. »

« Il faut que vous vous en occupiez. »

« Et vous il faut que vous vous occupiez de vos oignons. »

« Je m’en occupe déjà messire… »

« Je ne parlais pas de ces oignons-là ! »

« J’pouvons vous aider si vous voulez. »

La tête d’Ecthelion pivota lentement vers la gauche.

« Qu’est-ce que vous avez dit ? »

Belin corrigea sa conjugaison :

« J’peux vous aider à vous en occuper. »

« Vous plaisantez, c’est cela ? », dit Ecthelion de sa belle voix noble et claire.

« Non point, de par chez moi, avec mes cousins, on s’occupait d’nous-mêmes ensemble parfois. »

Le seigneur elfe eut l’air à la fois surpris et dégoûté.

« Mais c’est répugnant ! »

L’humain baissa la tête.

« Pourquoi messire ? »

« Avec vos propres cousins ! Je n’ai jamais rien entendu de plus dégoûtant ! »

Le jeune elfe se leva et alla s’enfermer dans sa chambre. 

Belin, resté dans le salon, faisait triste mine.

« Y’a d’mal qu’pour ceux qui en voient », murmura-t-il.

 

* * *

 

Une demi heure plus tard, l’écuyer frappait à la porte de la chambre.

« Messire ! C’est moi ! Vous n’êtes point occupé ? »

« NON. »

Belin ouvrit la porte. Il tenait un plateau dans la main. Ecthelion était couché sur son lit.

« J’vous ai entendu pleurer messire, alors j’vous ai apporté d'quoi manger. »

Il posa son plateau sur le bureau. Il y avait une tasse de lait et une tranche de brioche.

« Vous avez mal entendu. Je ne pleurais pas. »

« Vous ne voulez toujours pas que je… »

« NON. »

 

* * *

Le lendemain, le roi prit Ecthelion à part, après la réunion des onze chefs de maisons. Il lui posa une main sur l’épaule. 

« Dites-moi, Ecthelion, vous qui êtes jeune et vigoureux… »

Le chevalier de la Fontaine haussa un sourcil.

« Que pensez-vous de ma fille, Idril ? Elle est un peu plus âgée que vous, certes, mais je suis persuadé que vous feriez un superbe couple. »

Les yeux de Turgon brillaient d’un feu maléfique et si on avait pu les lire, on y aurait vu brûler les mots « PETIT-FILS » et « HERITIER ».

« J’ai fait vœu de chasteté, majesté, je vous le rappelle », s’indigna le jeune elfe.

« Allons, allons… On dit ça quand on est loin des femmes… Mais une fois en situation, vous savez ce que c’est… les bonnes résolutions s’envolent ! »

Soudain Ecthelion se demanda si il ne l’avait pas vu la veille, quand il était dans la fontaine avec les jeunes femmes elfes. Il se redressa. 

« Avec tout le respect que je vous dois, Majesté, je ne suis pas intéressé par la princesse. »

Turgon soupira.

« C’est encore à cause de ses pieds, c’est ça hein ? »

« Ses pieds ? »

« Oui, ses grands pieds. »

« Elle a de grands pieds ? », s’étonna Ecthelion.

« Vous ne vous en étiez jamais aperçu ? Alors qu’elle est toujours pieds nus ?! »

« Elle est toujours pieds nus ? »

Turgon ouvrit de grands yeux. 

« Ecthelion, vous voyez c’est laquelle ma fille, rassurez-moi ? »

« Oui, je vois parfaitement de qui il s’agit. C’est la petite blonde avec les nattes sur la tête. »

« Non Idril c’est la grande blonde avec les cheveux ondulés. Celle dont vous parlez c’est la fille de Galdor ! »

« Ah oui, je vois qui c’est maintenant… »

« Alors ? Canon, pas vrai ? »

« Euh… Non, elle ne m’intéresse pas non plus. »

 

 

 


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