Maudits silmarils, livre 1 by Dilly

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Aubeline

L'épisode cross-dressing.


Chapitre 38 : Aubeline

 

« Penlodh, je viens de réaliser que nous sommes déjà l’avant-dernier jour de la semaine… »

« Oui Sire ? »

« Et qu’Ecthelion n’a toujours pas fait de connerie. »

« Parce que vous pensez… »

« Oui, si l’on fait le compte, il ne se passe pas une semaine sans qu’il en fasse une. Tenez, la semaine dernière, par exemple, il a donné un coup de tête dans un vase de Valinor, un vase précieux qui avait survécu à la traversée de l’Helcaraxë… mais pas à son soit-disant esprit bouillant. La semaine précédente, il n’a rien trouvé de mieux que de faire un trou dans le verre de la vitrine d’une boutique avec la pointe en diamant de son casque. Ensuite il est allé sortir un tuyau des égouts, et il a inondé la boutique à travers le trou ! Tout cela par vengeance personnelle. Et après être descendu dans les égouts et s’être rincé avec le tuyau, ce blanc-bec s’est pointé trempé à la Table ronde ! Et la semaine d’avant, il en a fait encore une autre… Mais je ne me souviens plus laquelle… »

« Je crois qu’il a imposé à la fanfare de son régiment de remplacer les trompettes par des flûtes. Par conséquent, les trompettistes étaient mécontents de devoir se reconvertir. »

« Et le pire, c’est qu’il entraîne son écuyer humain dans ses conneries ! Comme la fois où ils ont essayé de s’épiler les poils des bras avec du caramel fondu ! Résultat : brûlure au troisième degré ! »

« Mais cette semaine, il n’a rien fait, majesté. Peut-être commence-t-il à mûrir. »

« Attendez mon bon, il reste encore deux jours. Et s’il a attendu jusque là, quelque chose me dit que ça va être une belle bonne grosse connerie. »

 

* * *

 A la fin de la réunion de la Table ronde qui suivit, Turgon rappela la soirée qui allait avoir lieu le lendemain, et fit miroiter à ses chevaliers les mets et vins les plus raffinés, les tours de jongleurs les plus exceptionnels.

« Peut-on venir avec quelqu’un ? », demanda Ecthelion.

« Oh, de toute façon vous vous ne pouvez pas venir. C’est une fête traditionnelle réservée aux gens mariés. Ou officiellement fiancés à la limite. »

« Attendez, cela veut dire que Glorfindel ne peut pas y aller non plus ? »

« Hélas non », dit Glorfindel. « Mais peut-être qu’un jour… »

Il eut l’air rêveur.

« Et Penlodh non plus ? », poursuivit Ecthelion.

« Non Penlodh c’est différent, il organise la fête avec moi », répondit Turgon.

« Ben voyons… », murmura Egalmoth.

« Vous viendrez avec votre femme, seigneur Egalmoth ? », demanda le roi.

« Bien sûr ! Je me souviens de la dernière fois, je n’ai jamais bu de meilleur vin qu’à cette fête ! »

« C’est injuste », grogna Ecthelion. « Pourquoi le meilleur vin doit-il être réservé à une fête elle-même réservée aux gens mariés ? Est-ce que le fait d’être marié fait de vous un être supérieur ? »

« Oui », répondit Turgon.

Penlodh haussa un sourcil.

* * *

 Le seigneur de la Fontaine rentra chez lui irrité. Belin se trouvait dans le salon, occupé à s’entraîner à jouer de la flûte.

« Belin, vous avez envie de bien manger ce soir ? », demanda Ecthelion.

 


 

Deux heures plus tard, dans le même salon, l’humain se retrouvait la taille comprimée dans un corset, avec des bandes de tissu enroulées autour du torse.

Ecthelion prit des morceaux d’étoupe qu’il glissa sous les bandes.

« Messire, on ne peut pas en mettre un peu plus ? », demanda l’humain.

« Non, quand il y en a trop ce n’est pas beau… »

Belin n’avait pas l’air convaincu.

« J’ai pris une robe avec des manches longues et beaucoup de jupons », expliqua-t-il avant de l’en revêtir. « Quelle taille faites-vous, déjà ? »

« 1m90. »

« Vous avez vraiment la petite taille d’une femme-elfe. »

Puis il le coiffa, décidant de lui laisser les cheveux lâchés pour affiner sa mâchoire. Il lui mit un collier, ainsi que des bijoux d’oreilles à capuchons pointus.

« Et maintenant, la touche finale… »

Avec une petite brosse, Ecthelion appliqua de la poudre noire sur les cils de son écuyer qui semblait prendre plaisir à fermer les yeux. Puis il mit un peu de rouge de fruits rouges écrasés sur ses joues et sur sa joue.

« Voilà », conclut Ecthelion, fier de lui.

Belin alla s’admirer dans le miroir.

« Je me plais bien », apprécia-t-il.

Mais quand Ecthelion revint dans ses habits de fête, les cheveux tressés par un coiffeur, l'humain en garda la bouche ouverte.

 

* * *

 Une heure plus tard, les deux compères se présentaient à l’accueil de la réception, à l’intérieur du palais. Il était assuré par un des membres de la Maison de la Tour du Neige, qui les regarda avec un air soupçonneux.

« Bonsoir », dit Ecthelion avec noblesse. « Je suis le Seigneur de la Fontaine. Et voici ma fiancée, Aubeline. »

Il tenait Belin travesti par le bras, qui sourit.

« Aubépine ? », répéta l’hôte.

« Non, Au-be-line. »

« Mais ça ne veut rien dire ce nom… »

« Alors, on peut entrer ? », demanda Ecthelion.

« Minute… C’est la première fois que j’entends dire que vous êtes fiancé. Vous n’étiez pas censé avoir fait vœu de chasteté, ou quelque chose dans ce goût-là ? »

« Tout à fait. Mais nous ne sommes que fiancés, et avons décidé de ne nous marier qu’une fois que Morgoth sera défait. »

« C’est amusant, c’est aussi le cas d’un de mes cousins… Mais je l’ai mis en garde, car à trop repousser les choses, on finit par ne plus vivre dans le présent. »

« Donc on peut entrer ? »

« Faites-moi voir vos alliances d’abord. »

Ecthelion montra sa main, puis celle de Belin, toute manucurée mais large et abîmée par les travaux manuels.

« Je sommes agricultrice », expliqua Belin.

Ecthelion se prit la tête dans la main. Il avait oublié que le plus dur était incamouflable.

« C’est une elfe sylvaine », dit-il pour essayer de rattraper le coup. « Elle maîtrise mal notre langue. »

« Oh, je vois… », fit l’autre elfe, ce qui confirmait ses préjugés au sujet des Moriquendi et de leur niveau d’éducation.

Derrière eux, une file d’attente de couples s’était formée.

« Qu’est-ce qui se passe ? », vint alors demander Penlodh, l’air particulièrement irrité ce soir-là.

« C’est le seigneur Ecthelion », expliqua son subordonné. « Il est venu avec sa fiancée, mais c’est la première fois que je… »

« Laissez-le entrer », coupa Penlodh.

« Hein ? »

« Laissez-le entrer. De toute façon cette fête est une mascarade. »

« Merci », dit Ecthelion.

« Bonsoir mademoiselle », dit alors Penlodh à Belin, parce qu’il était toujours très courtois.

Comme touché par cette politesse, ce dernier tendit la main gauche dans un geste qu’il voulut gracieux, pour que l’intendant la lui baise.

Surpris, Penlodh s’exécuta. Ecthelion haussa les sourcils.

« C’est amusant, messire », murmura Belin à son fiancé fictif quand ils entrèrent dans la salle de réception.

« Essayez de ne pas en faire trop tout de même », répondit l’autre. « Et surtout faites attention à votre façon de parler. »

« Je sais messire, mais j’ai du mal… »

« Bon sang, regardez ce buffet », dit Ecthelion en désignant le comptoir à rôtis.

« C’est plus celui de pâtisserie qui m’intéresse, messire. Il y a des pièces montées et des nougats, et plein d’autres choses que je ne vois point souvent. »

« Ne m’appelez pas messire », murmura l’elfe. « Appelez-moi Ecthelion. Sinon ils vont se douter de quelque chose. »

Après avoir regardé la nourriture, ils regardèrent l’orchestre, qui se trouvait sur une sorte de mezzanine au fond de la salle. Dans cet orchestre, on devinait les silhouettes de Salgant, Hildor et d’autres. Et tout au centre de la pièce, il y avait un âtre entouré de colonnes, où brûlait un grand feu.

« On commence par quoi ? », demanda Ecthelion.

« Celui-là », dit Belin en montrant le comptoir à boissons.

Dix minutes plus tard, Ecthelion tenait dans les mains une assiette remplie d’une montagne de charcuterie.

« D’abord, je vais manger ça », dit-il à Belin.

Belin en était à son deuxième verre d’hydromel, et ses yeux brillaient. Il s’éloigna un peu d’Ecthelion pour aller regarder les pâtés en croûte, et ne tarda pas être interrogé par des invités curieux qui ne le connaissaient pas.

 

* * *

 Dans un coin de la salle, assis sur un trône de bois auprès duquel un guéridon avait été posé, Turgon s’entretenait avec son chambellan, qui était raide comme un piquet et évitait soigneusement de le regarder.

« Penlodh, si je ne vous connaissais pas, je dirais que vous tirez la tronche », dit Turgon.

« Je ne « tire pas la tronche », Majesté. »

« Je ne sais pas pourquoi mais j’ai l’impression que vous en avez après moi. »

« Certainement pas. Qu’aurais-je donc bien pu avoir à reprocher à votre majesté, dans les jours précédents ? »

Turgon se demanda comment il lui fallait interpréter cette phrase. Puis un pâté en croûte géant qui passa devant eux, porté par deux valets, lui donna l’occasion de changer de sujet.

« Qu’en dites-vous ? J’ai demandé qu’on en fasse un qui soit la réplique exacte de Tirion. »

« Décidément, c’est une idée fixe », murmura Penlodh.

« Hein ? »

« Décidément, c’est une idée fine. »

« N’est-ce pas ? Ils ont fait aussi des Arbres en sucre. Laurelin avec du miel et des pommes, Telperion avec du sucre et... du sucre. Je suis vraiment satisfait de cette fête. Lorsqu’on invite seulement des couples rangés, on est au moins sûr qu’il n’y aura pas de casse, de conflits ou bagarres entre jeunes avinés. …Attendez, mais c’est Ecthelion, là ! »

« Oui, il est entré tout à l’heure, avec sa fiancée. »

« Sa quoi ? »

« Sa fiancée… Une elfe sylvaine je crois. Tenez, elle est là, près de la... Tirion en pâte feuilletée. »

« Mais il n’a jamais dit qu’il était fiancé… C’est elle ? C’est cette fille, là ? »

« Oui. »

« Elle a de beaux cheveux, on peut lui concéder cela… Dommage qu’elle ait le menton un peu pointu… Et elle a une démarche bizarre. »

Intrigué, Turgon se leva pour circuler parmi les invités.

« Aubeline » était occupée à discuter avec un couple d’elfes qui lui posait des questions sur sa relation avec Ecthelion. Le roi tendit l’oreille discrètement.

« Oui, moi et mes-Ecthelion on a prévu d’avoir cinq enfants. Trois filles et deux garçons. Alaric, Cathulf, Jehanne, Hermeline, et Guillemette. »

Elle a une drôle de voix..., pensa Turgon. Inhabituellement grave. Et son visage, j’ai l’impression de l’avoir déjà vu…

Il alla surprendre Ecthelion, qui était en train de manger des tranches de rôti saignantes mélangées à du jambon aux pistaches.

« Bonsoir mon jeune ami. »

Ecthelion sursauta.

« Majesté ? »

« Dites donc, votre fiancée, je ne sais pas ce qu’elle a bu mais elle est en train de raconter toute votre future vie conjugale à ses nouveaux amis. Si j’étais vous, je ferais attention, car elle tire drôlement des plans sur la comète !  »

 

* * *

 Une demi-heure plus tard, Turgon parlait avec Egalmoth.

« Pour tout vous dire », fit le marchand, « j’croyais pas que le petit il se caserait un jour… »

Ils observaient le couple inattendu. Ecthelion s’était posé sur un siège, et « Aubeline » était assise sur ses genoux. Le jeune chevalier avait rassemblé un assortiment de mignardises sucrées dans une assiette, et les lui donnait à manger à la main.

« Elle a tout de même une drôle de dégaine, vous ne trouvez pas ? », dit le roi.

« Ben, c’est une sauvage, faut bien dire ce qui est. Mais vous savez, c’est peut-être ça qu’il aime… »

 

* * *

 « Asseyez-vous sur mes genoux », avait soufflé Ecthelion à son écuyer. « Le roi nous regarde. Il faut que nous ayons l’air d’un véritable couple. »

 

* * *

 « Ils sont presque mignons, tous les deux », fit le roi. « Cela me rappelle les bals de Tirion, quand moi et Elenwë étions de jeunes fiancés… »

« Regardez, c’est elle qui lui donne à manger maintenant. »

« Elle lui fait un bisou ! »

Brusquement, Aubeline avait pris la tête d’Ecthelion dans ses mains et lui avait très rapidement donné un baiser sur la bouche.

Turgon et Egalmoth virent alors Ecthelion se raidir et s’écarter d’un coup de sa fiancée. Ils eurent l’impression qu’il lui aboyait dessus.

« Mais quel goujat ! »

« La pauvre… Elle est toute mignonne et lui il lui crie dessus ! Mais ça ne m’étonne pas de lui, tiens… J’vais vous l’dire, Egalmoth, elle ferait mieux de ne pas l’épouser ! Sinon elle va être malheureuse ! »

Aubeline était descendue des genoux de son fiancé et traversa la foule.

 

* * *

 Belin était descendu des genoux de son seigneur et il traversa la foule.

« Y’a d’mal qu’pour ceux qui en voient », murmura-t-il, mécontent.

Un membre de l’orchestre qui prenait sa pause le salua.

« Bonsoir, gente dame. Vous semblez attristée… »

 

* * *

 Egalmoth et Turgon virent alors Aubeline tendre une main aristocratique dans la direction du musicien, qui la baisa.

« Et voilà ! », dit le roi. « C’est bien fait pour sa pomme ! »

« Il va se faire chourer sa gonzesse, c’était à parier, avec son sale caractère. »

Le musicien et “Aubeline” se mirent à danser (Ecthelion avait fait prendre à Belin des cours de danse pour qu’il améliore sa démarche).

« Je me demande comment Ecthelion va réagir quand il va les voir… », dit le roi.

Et cela ne tarda pas à arriver. Quand il les eut dans le viseur, Ecthelion avait encore un morceau de carpaccio de boeuf qui lui dépassait de la bouche.

Ses yeux devinrent noirs et fixes.

On aurait dit un animal face à une incursion à l’intérieur de son territoire.

Mais le musicien qui dansait avec son écuyer travesti dut avoir de la chance, car ce fut à ce moment-là que les lumières s’éteignirent.

« Ils vont apporter les deux Arbres », chuchota Turgon à Egalmoth.

Deux crépitements de lumière, l’un doré et l’autre argenté, passèrent sous l’un des arcs de la grande salle plongée dans l’obscurité. Les fusées qui émettaient ces jets de lumières étaient placées au sommet d’arbres en sucres représentant Laurelin et Telperion. Les fruits de Laurelin étaient de petites pommes cuites dégoulinantes de miel chaud, les fleurs de Telperion étaient des morceaux d’amande recouverts de glaçage blanc.

Il avait fallu dix heures aux maîtres-pâtissiers pour réaliser ces deux chefs-d’oeuvre.

Il y eut une explosion d’applaudissements.

Puis un cri.

« QUI T’A PERMIS DE FLIRTER AVEC MA FEMME ? »

Turgon reconnut la voix d’Ecthelion. Puis sans doute celle du musicien, qui se confondait en excuses. Puis une autre, étrange.

« Laissez-le donc Messire ! Il ne vous vouloit point d’mal ! »

« Mon oeil ! Il avait sa main autour de ta taille ! Tiens, prends ça ! »

Il y eut un bruit de coup, de glissade…

Turgon vit la scène se dérouler comme au ralenti.

La silhouette d’homme-elfe aux longs cheveux apparut dans la lumière des fusées, puis bascula contre les deux Arbres, qui vacillèrent à son contact, et enfin s’écroulèrent totalement sous son poids.

« NOOOOOOOOOOOOOOOOOON ! », avait crié Turgon, impuissant.

Les lumières se rallumèrent.

D’un côté, il y avait le pauvre musicien qui avait dansé avec Aubeline assis par terre au milieu des ruines des deux Arbres, le visage et les vêtements couverts de miel, de compote de pommes et de sucre glace.

De l’autre, Ecthelion et sa fiancée, desquels les autres convives s’étaient écartés.

« Penlodh ! Penlodh ! », glapit le roi. « Je l’savais ! Je l’savais qu’Il allait faire une connerie avant la fin de la semaine ! »

« Je suis désolé sire », dit alors Ecthelion. « Je ne voulais pas l’envoyer dans les Arbres. Il a glissé… »

« Oh vous, fermez-la ! », s’exclama le roi.

Hildor était descendu de la mezzanine pour aider son confrère à retrouver un peu de sa dignité. Quant à Belin, l’air mortifié, il chuchota à Ecthelion qu’ils feraient peut-être mieux de s’éclipser.

« Mes arbres ! », ne put s’empêcher de gémir Turgon. « Il fallait que vous les cassiez… Il faut toujours que l’on me casse ce que j’ai… »

« Majesté, taisez-vous… », murmura Penlodh, qui venait de le rejoindre. « Que vont penser les gens ? »

Brusquement, il ne semblait plus lui en vouloir. Peut-être parce que le ciel venait de lui accorder une petite vengeance.

Et tandis que le roi se lamentait et que Penlodh ordonnait une tasse de tisane, Ecthelion et Belin essayaient de se faufiler vers la sortie, au milieu des chuchotements des couples abasourdis.

« Pourquoi Penlodh ? Pourquoi ? », poursuivait le roi, incapable de s’arrêter.

C’est alors qu’un grand bruit de craquement se fit entendre. Dans sa hâte de quitter la salle, Belin avait accroché un morceau du tissu de sa robe, et avait poursuivi sa route trop vite en croyant que le tissu suivrait.

Cela n’avait pas été le cas.

Le haut de sa robe se déchira, attirant l’attention du personnel qui gardait l’entrée, puis mécaniquement celle de tout le reste de l’assemblée.

Nombreux furent ceux qui se demandèrent pourquoi la peau en haut de la brassière de la femme-elfe était surmontée de poils blonds.

« Attendez une minute », fit l’elfe qui contrôlait les entrées. « Si vous êtes une femme, moi je m’appelle Nienna.»

A ces mots, il trancha les bandes d’étoffe qui lui servaient de soutien-gorge, au-dessus du corset. Deux morceaux d’étoupe roulés en boule en jaillirent, et tombèrent sur le sol sans un bruit.

« C’EST… C’EST PAS UNE FEMME ! », s’écria alors Turgon en bégayant, traumatisé. « C’EST-C’EST SON ECUYER ! »

L’écuyer en question crut le moment venu de faire la révérence.

« Merci pour la fête », dit Ecthelion.

Et l’homme et l’elfe partirent en courant.

 

* * *

 « Messire, pourquoi vous vous êtes mis en colère quand je vous ai embrassé ? », demanda Belin quand lui et son maître furent enfin rentrés chez eux. « Vous aviez dit qu’il fallait faire croire qu’on était un couple… »

« Parce que je n’ai jamais dit qu’il fallait aller jusque là ! Déjà que je suis bien gentil de ne pas me fâcher pour vos mains baladeuses et vos propositions bizarres… Maintenant m’embrasser sur la bouche ! Y’a un moment, trop c’est trop ! », répondit l’elfe tout en l’aidant à défaire son corset.

Il prit un chiffon mouillé pour lui enlever son maquillage et ajouta : « Et puis déguisé en fille en plus, c’est vraiment horrible. »

 

* * *

Plus tard, lorsqu’il fut calmé, Turgon essaya de tirer une leçon de cette histoire.

« Alors on dit les Elfes, les Hommes, les Nains… Mais ce qu’on sous-estime, Penlodh, c’est le côté fédérateur de la connerie. La connerie efface les frontières entre les races. » 

 


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