Maudits silmarils, livre 2 by Dilly

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La vie sexuelle des elfes, II


Chapitre 12 : La vie sexuelle des elfes, II

 

 

Le cours d'éducation sexuelle

 

« L'adolescence est une période difficile pour les elfes, car notre fëa, n'étant pas encore complètement mature, devient brusquement engluée dans la matérialité, qu'elle a côtoyée pendant toute l'enfance. Alors que faire, que faire quand la pesanteur de l'hröa prend le contrôle de l'immortelle et intouchable flamme de la fëa ? Que faire...dans le cas d'une érection non désirée ? »

Le professeur d'éducation sexuelle fit une pause, et se tourna vers son audience. Parmi les jeunes elfes de moins de cent ans qui la composait, il y avait Ecthelion de la Fontaine, dont le visage était devenu intégralement rouge.

« Quelqu'un aurait-il une réponse ? »

Le chevalier de la Fontaine leva la main.

« Oui. Je t'écoute », dit le professeur, d'une voix lourde de bienveillance.

« Il faut faire vœu de chasteté ! », s'exclama Ecthelion.

« Hum, non. C'est bien trop brutal. Il n'est pas bon de réprimer dans la violence ou la dénégation une tendance naturelle de l'hröa. Ecthelion, le refoulement n'est pas une solution. Alors que devez-vous faire ? »

Le chevalier de la Fontaine, l'air contrarié, répondit : « Ben... Je ne sais pas moi. »

« Il faut faire une prière à Manwë, notre guide à tous. La prochaine fois que cela vous arrivera, je veux que vous joigniez les mains et que vous disiez : Ô Manwë, toi qui règnes sur le Taniquetil, fais que mon petit Taniquetil ne soit plus si insolent, dans sa volonté de monter et de grossir. Donne à mon petit Taniquetil la force d'être humble, comme doit l'être ma fëa. »

« Mais je croyais que les Noldor avaient trahi Manwë ?! », s'étonna Ecthelion.

« Il est toujours temps de revenir sur ses erreurs, et de se soumettre à la volonté divine. »

Ecthelion regarda Belin, qui était assis à côté de lui. Ce dernier avait l'air plus que perplexe.

 


 

Le goût des autres

 

Après leur première discussion sur les femmes, Glorfindel dut revenir à la charge auprès d'Hildor, le ménestrel du roi de Gondolin, dont il était connu qu'il avait les tendances de Maedhros.

« Mais enfin, pourquoi renoncer aux femmes ? » demanda l'elfe blond. « Elles sont belles comme des fleurs… Qui ne voudrait pas les cueillir ? »

« Moi », répondit le ménestrel elfe.

« Soyons sérieux ! Comment pouvez-vous être attiré par le corps des mâles ? »

Hildor lui retourna la question.

« Et vous, comment pouvez-vous ne pas l'être ? »

« Hé bien, ils n'ont pas la peau douce d'une femme elfe. Et ces hanches étroites et maigres qu'ils ont… Cela fait pitié et n'est pas du tout attirant. »

« C'est bien mieux que de ressembler à une grosse bouteille de vin. »

« Au contraire, il n'y a rien à toucher dans un homme... Ils sont tout secs, comme des bouts de bois… Et si… Je ne sais pas comment dire... fermés ? Oui, c'est ça ! Ils sont fermés, on ne peut pas entrer à l'intérieur. »

Hildor haussa les sourcils, l'air hilare.

« Oh si », répondit-il, « Je peux vous assurer qu'on peut entrer à l'intérieur. »

« Mais comment ? »

Le barde en fut étonné. Le visage de Glorfindel exprimait une réelle interrogation.

« Hum… Laissez tomber. »

« Et il y a l'odeur », reprit le connétable. « L'odeur des mâles est infecte. On dirait celle du cuir d'une vieille chaussure. Les femmes, au contraire, ont une odeur délicieuse et enivrante, comme celle... d'un gâteau à l'amande... »

Hildor le considéra avec un air écœuré.

« Vous plaisantez ? Elles sentent la vieille algue abandonnée au bord de la plage ! Heureusement qu'il y a des parfums, je vous le dis. Et d'ailleurs, vous êtes un homme vous-même, comment faites-vous si vous ne supportez pas votre propre odeur ? »

« C'est pour cela que je me parfume à la rose tous les jours », répondit le Seigneur de la Fleur d'Or avec une grande dignité.

 

* * *

 

Parfois, le regard d'Ecthelion s'égarait dans le creux de la tunique trop délacée de Belin, et ce dernier, pensant que les poils qu'elle montrait l'offusquait, se hâtait de supprimer ce décolleté involontaire.

Un jour, l'elfe lui dit clairement le fond de sa pensée.

« Vous ne devriez pas sortir comme ça. C'est indécent. »

« Oui j'savons messire, ce n'est point t'agréable pour l’œil tous ces poils. »

« Au contraire. C'est bien trop attirant ! »

Les yeux de l'elfe tombèrent une dernière fois sur l'objet du délit : ces parfaits pectoraux poilus qui étincelaient au soleil.

 


 

La fraude

 

L'épouse d'Egalmoth avait surgi dans la tour de l'Arche Céleste comme une furie. Elle avait à peine salué Nindë, le secrétaire de son mari. Elle entra directement dans son bureau, qui se situait au troisième étage.

« Décidément, tu ne m'auras rien épargné ! » cria-t-elle, en brandissant un papier.

Egalmoth était assis derrière son bureau, à compter des fingolfins d'or, qu'il empilait par tours de dix. Il y en avait de part et d'autre de lui, en quantités faramineuses.

« Quoi, qu'y a-t-il, encore ? »

Il se leva et la regarda. Pourquoi sa femme lui semblait encore plus belle, depuis qu'il n'avait plus le droit de la toucher ? La colère faisait flamboyer ses yeux gris mêlés d'ambre, tels des pierres précieuses enchâssées dans une peau de nacre. Et jamais ses cheveux n'avaient été aussi beaux, noirs comme de l'obsidienne sculptée en vagues.

« Ça ! Cette attestation de salaire ! »

Il s'approcha d'elle, pour regarder le parchemin.

« Hé bien quoi ? C'est ton certificat professionnel... »

« Pour quelle métier, je te prie ? »

« Le deuxième bureau administratif du quartier. »

« Je n'y ai jamais mis les pieds, Egalmoth ! C'est un emploi fictif ! »

« Bon, oui, je l'admets... »

« Tu as créé un emploi fictif à mon nom, espèce d'ordure ! »

Elle reprit le papier, et piqua de sa pointe le gros diamant qui ornait le manteau de son époux.

« Depuis combien de temps cela dure-t-il ? Réponds- moi ! »

« Euh… Cela fait des années… Je ne sais plus... »

« Et où est l'argent, maintenant ? »

« Il était versé sur ton compte, automatiquement... »

« Hein ? »

Elle ne semblait pas s'attendre à cette réponse. Egalmoth alla fouiller dans des étagères. Il en revint avec un papier, qu'il lui montra.

« Regarde, c'est ici. L'argent est transféré sur ton compte toutes les dizaines... »

La négociante regardait le relevé de compte, les sourcils froncés.

« Tu as créé cet emploi fictif pour moi... » murmura-t-elle.

« Oui... », confirma son mari, s'attendant à une nouvelle explosion de colère.

Mais elle n'eut pas lieu. La femme-elfe se tourna vers lui, les yeux brillants.

« Oh Egalmoth, c'est tellement romantique ! »

Elle se jeta à son cou, et l'embrassa passionnément.

« Par Varda, tu vas me tuer ! » s'exclama Egalmoth, quand leurs lèvres se séparèrent.

La succession d'émotions contradictoires et ce contact intime après plus d'un an d'abstinence totale l'avaient mis à vif. Mais ce n'était pas terminé, il vit sa femme ôter les gants de velours qu'elle portait toujours quand elle sortait l'hiver. Puis il sentit ses mains fines et délicates défaire son manteau, en prenant garde à ne pas abîmer le gros diamant.

« Chérie, qu'est-ce que tu fabriques... » dit-il péniblement.

Pour toute réponse, la Noldo se contenta de saisir le pourpoint de son époux, pour l'amener à l'autre bout de la pièce. Là, elle se coucha sur le bureau, démolissant au passage quelques piles de pièces d'or. Elle remonta les manches longues de son bliaud, dégrafa l'avant de sa robe, et s'arrosa de pièces étincelantes.

« Je n'ai jamais vu quelque chose d'aussi excitant de toute ma vie », déclara Egalmoth.

Une véritable fontaine de sang avait afflué vers ce qu'il aimait appeler son « deuxième cimeterre », et ses pupilles étaient si dilatées que ses yeux habituellement verts étaient devenus noirs.

« Tu es toujours autant lassé de ta femme ? »

« Je ne l'ai jamais été, tu le sais bien... »

« Alors fais-moi l'amour tout de suite, mon émeraude adorée ! »

À ces mots, elle déboutonna la braguette cousue de fils d'or, et sertie de pierres précieuses.

 

* * *

 

Cela faisait dix minutes que Nindë, le sage secrétaire d'Egalmoth tout de noir vêtu, avait vu l'épouse de son chef monter à l'étage supérieur. Les grincements de plancher, gémissements et cris ne laissaient aucun doute sur ce qui était en train de se passer dans le bureau (excepté des tintements métalliques qu'il ne s'expliquait pas).

Il se boucha les oreilles, mais ce n'était pas suffisant... Alors il fuit en sortant de la tour au pas de course.

Son sens du sacrifice avait ses limites... 

 

à suivre


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